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Cessions de terrains à bâtir et TVA sur marge : Fin du feuilleton !

Le 6 avril 2020

Le Conseil d’Etat confirme la position de l’Administration fiscale, soit l’exclusion de la TVA sur marge lorsque le terrain à bâtir a été acquis en tant qu’immeuble bâti.

Par une décision du 27 mars 2020 (n° 428234), le Conseil d’Etat tranche la question de l’assiette de la TVA dans le cas assez fréquent en pratique de l’acquisition par un marchand de biens/lotisseur d’une maison avec terrain attenant constructible, suivie d’une démolition et division parcellaire afin de revendre les terrains à bâtir en résultant. Prenant le contrepied de toutes les décisions rendues par les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, le Conseil d’Etat juge que la TVA est applicable sur le prix de cession des terrains à bâtir et non sur la marge.

Rappel du régime légal et réglementaire de détermination de l’assiette de la TVA en matière de cession de terrains à bâtir : le prix ou la marge

En application des articles 266 2 b et 268 du Code général des impôts, la cession d’un terrain à bâtir par un assujetti à la TVA est soumise à la TVA :

  • sur le prix de cession du terrain

ou

  • sur la marge (prix de vente – prix d’acquisition) réalisée par le cédant lorsque la propre acquisition par ce dernier n’a pas ouvert droit à déduction de TVA. En pratique, il s’agit le plus souvent d’une acquisition auprès d’un particulier (non assujetti à la TVA).

Ainsi, selon les termes de l’article 268 du CGI, une seule condition est nécessaire pour l’application de la TVA sur la marge en cas de cession d’un terrain à bâtir : une acquisition par le cédant n’ayant pas ouvert droit à déduction de TVA. Or, selon l’Administration fiscale, l’application de la TVA sur la marge est exclue dans le cas d’un lot revendu comme terrain à bâtir ayant été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti.

 

En effet, selon l’Administration (BOI-TVA-IMM-10-20-10-20200122 n° 20), le calcul de la TVA sur la marge (et non sur le prix) n’est susceptible de s’appliquer qu’aux seules cessions « d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification, c’est-à-dire … de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ». Cette position a ensuite été confirmée et précisée par différentes réponses ministérielles (notamment de La Raudière AN 30-8-2016 n° 94061, Savary AN 20-9-2016 n° 94538, Vogel n° 04171 JO Sénat du 17 mai 2018).

Dans ce contexte, les redressements se sont multipliés en cas d’application de la TVA sur la marge à des reventes de terrains à bâtir issus de l’acquisition d’un immeuble bâti mais plusieurs décisions de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ont été favorables aux contribuables jusqu’à la décision du Conseil d’Etat du 27 mars 2020 (n° 428234).

Selon le Conseil d’Etat, les règles afférentes à la TVA sur marge « s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ».

A cette fin, le Conseil d’Etat relève que l’article 268 du CGI précité constitue la transposition en droit interne de l’article 392 de la directive communautaire du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, lequel dispose que « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ».

ampouleSuite à cette décision du Conseil d’Etat, dans quels cas la TVA sur marge reste applicable à la cession d’un terrain à bâtir par un marchand de biens/lotisseur ?

Compte tenu de cette décision du Conseil d’Etat et de différentes réponses ministérielles la TVA sur marge reste applicable dans le cas de la revente d’un terrain à bâtir issu de l’acquisition d’un terrain à bâtir, c’est-à-dire :

  • d’un terrain constructible qui ne comportait aucune construction ou une construction dans un état tel qu’elle était inutilisable pour un quelconque usage (exemple : ruine, chantier inabouti …),
  • étant précisé que le terrain à bâtir acquis a pu faire l’objet, entre l’acquisition et la revente, d’une division parcellaire pour créer différents lots.

Ainsi, lorsqu’un marchand de biens/lotisseur envisage de réaliser une opération d’acquisition d’une maison avec terrain attenant constructible suivie d’une démolition et division parcellaire afin de revendre les terrains à bâtir en résultant, la TVA sur marge ne devrait être applicable que si le vendeur propriétaire de la maison procède à une division parcellaire avant la vente au marchand de biens/lotisseur, de telles sorte que ce dernier achètera d’une part une maison (dont la revente après démolition sera soumise à TVA sur le prix) et d’autre part différents lots constitutifs de terrains à bâtir (dont la revente sera soumise à TVA sur marge).

A noter que s’agissant d’opérations pour lesquelles l’acheteur du terrain loti est souvent un particulier ne récupérant pas la TVA, cette jurisprudence a pour effet d’augmenter la charge fiscale et donc de réduire à concurrence la marge du lotisseur qui cédera généralement pour un prix TTC identique.

Samuel Drouin et Pierre Appremont