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​Le 18 mai 2020

Exonération de TVA des frais de gestion des OPC : Publication du décret et de la doctrine administrative

 

Les sociétés de gestion de fonds immobiliers disposent maintenant de tous les éléments leur permettant de se positionner en matière de TVA. C’est donc le moment d’approfondir le sujet, si cela n’a pas déjà été fait…

 

1/ Contexte et enjeux

Jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2020, il était plus ou moins admis qu’en France la gestion des fonds immobiliers :

– était en principe exonérée de TVA pour les fonds empruntant les formes des fonds de private equity (FCPR, FPCI et FPS dont SLP) ;

– était soumise à la TVA pour les « purs » fonds immobiliers (OPCI et SCPI).

L’arrêt de la CJUE du 9 décembre 2015 (affaire C 595/13) était pourtant venu perturber cet équilibre :

– en posant des critères clairs pour les OPC dont la gestion bénéficie de l’exonération de TVA et ;

– en confirmant que les fonds immobiliers ne font pas l’objet d’une exclusion spécifique du champ de l’exonération de TVA (l’exploitation effective des immeubles eux-mêmes dépassant toutefois le cadre de la gestion d’OPC).

Mais, jusqu’à récemment, cet arrêt n’avait pas modifié le statu quo :

– Absence de prise de position officielle de l’Administration fiscale

– A notre connaissance, pas de modification de la pratique des sociétés de gestion. Plusieurs considérations ont vraisemblablement conduit à ce statu quo, notamment :

  • Absence de volonté de risquer un redressement fiscal alors que cette TVA ne présente pas forcément un surcoût important pour les fonds (e.g. si les frais de gestion sont facturés à une entité qui récupère la TVA car elle exerce une activité en TVA, comme la location d’immeubles à usage professionnel)
  • Intérêt pour la société de gestion à ce qu’une partie au moins de son CA soit soumis à la TVA
  • Pour améliorer la déduction de TVA à son niveau
  • Pour limiter son exposition à la taxe sur les salaires
  • Absence de volonté de s’engager dans une démarche contentieuse pouvant durer de nombreuses années

Ainsi, les enjeux fiscaux liés à l’application ou non de la TVA aux frais de gestion sont :

– pour l’OPC :

  • un surcoût éventuel si la TVA sur ces frais n’est pas déductible (ce qui est souvent le cas en matière immobilière, notamment pour les SPPICAV, celles-ci étant fréquemment des pures holdings et les immeubles étant logés dans des filiales).

– pour la société de gestion :

  • sa capacité à déduire la TVA qu’elle supporte sur ses propres frais (TVA d’amont déductible dans la mesure où elle correspond à des dépenses exposées pour générer du CA soumis à la TVA),
  • son exposition à la taxe sur les salaires.

Pour rappel, la taxe sur les salaires est un impôt sur la masse salariale (même assiette que la CSG), selon un barème allant de 4,25 % à 13,60 %, cette taxe s’appliquant en proportion du CA non soumis à TVA.

En d’autres termes, plus la société génère du CA en TVA, moins elle est exposée à la taxe sur les salaires.

Cet enjeu est important pour la société de gestion, qui par hypothèse dispose d’une équipe de plusieurs personnes lui permettant notamment d’assurer l’ensemble de ses obligations réglementaires.

 

2/ Ce qui change

La loi de finances pour 2020 est enfin venue mettre un terme à cette situation, sans toutefois aller jusqu’à reconnaître réellement une non-conformité du dispositif préexistant au droit communautaire.

Ainsi, l’article 261 C, 1°-f, du Code général des impôts (CGI) prévoit désormais l’exonération de TVA de la gestion des OPC présentant des caractéristiques similaires aux OPCVM.

La liste en est fixée par décret, et ce décret vient de paraître : décret n° 2020-493 du 28 avril 2020, publié le 30 avril 2020.

La doctrine administrative (BOI-TVA-SECT-50-10-10) a été mise à jour le 6 mai 2020.

– Parmi les fonds listés, figurent notamment les OPCI et les SCPI.

– La doctrine administrative :

– rappelle notamment les critères issus de la jurisprudence de la CJUE du 9 décembre 2015 pour être qualifié d’OPC présentant des caractéristiques similaires aux OPCVM, i.e. répondre aux 4 conditions cumulatives suivantes :

« – être un placement collectif ;

– fonctionner selon le principe de répartition des risques ;

– être soumis à une surveillance étatique spécifique ;

– avoir un retour sur investissement subordonné à la performance des investissements, ce qui implique que les détenteurs d’actifs doivent assumer les risques inhérents à la gestion des actifs. »

– octroie un caractère non-exhaustif à la liste. Notamment, les « Autres FIA » sont susceptibles d’être qualifiés d’OPC « comparables ».

 

3/ Encore des incertitudes

Tous les sujets ne sont pas purgés. Par exemple :

– le fund management fait indiscutablement partie de la gestion d’OPC et le property management n’en fait pas partie ;

– mais la solution est-elle aussi clairement tranchée pour ce qui relève de l’asset management ?

Pour autant, les sociétés de gestion de fonds immobiliers disposent désormais des éléments leur permettant d’opter ou non pour l’assujettissement de leurs activités financières à la TVA (voire de renoncer à l’option précédemment exercée, lorsque cela sera possible (i.e. à compter du 1er janvier de la 5ème année suivant celle d’exercice de l’option)).

 

4/ Que décider ?

Bien sûr, plusieurs facteurs sont à prendre en considération.

Vous trouverez ci-après un tableau récapitulant les principaux points à prendre en compte dans le cadre d’une réflexion sur le sujet.

  Au niveau de la société de gestion (SDG) Au niveau du fonds
Enjeux :    
En cas d’exonération de TVA

1/ La TVA supportée par la SDG est un coût (TVA non déductible)

2/ Coût en matière de taxe sur les salaires (TS)

1/ Pas de problématique de déduction de TVA au niveau du fonds
En cas d’option pour la TVA par la SDG

1/ La TVA supportée par la SDG n’est pas un coût (TVA déductible)

2/ Pas de TS

1/ Selon l’activité du fonds et sa structuration (dont éventuelle facturation directe des SPV), la TVA présentera pour le fonds un coût plus ou moins important
Conclusion

Ø  Au niveau de la SDG, l’option pour la TVA est à 1ère vue la meilleure option

Ø  Impact indirect défavorable possible en cas de rémunération de la surperformance (par exemple, commission de surperformance, carried interest)

Ø  Pour le fonds, le fait que la SDG n’opte pas pour la TVA est la meilleure option

Ø  La TVA est de nature à détériorer la performance du fonds

L’intérêt de la SDG et l’intérêt du fonds ne sont pas alignés.
Points à vérifier Documentation contractuelle du fonds : en cas d’application de la TVA, pourra-t-elle être appliquée en plus ou devra-t-elle être calculée « en dedans » ?
Enjeux respectifs à mesurer (→ simulation chiffrée), étant rappelé que l’option par la SDG est globale : application à tous les fonds et toutes les opérations, sauf en cas d’exclusion (e.g. commission perçue lors de l’émission et du placement d’actions)


Paméla Le Jeune & Pierre Appremont