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Le 19 août 2020

Location nue dans les centres commerciaux : activité commerciale ?

 
L’Administration prise à revers, pas certain que le contribuable en sorte toujours gagnant…


Une décision de Tribunal administratif confirme la possible application de l’exonération d’IS des plus‑values de cession de titres de participation, aux plus-values de cession de sociétés bailleresses de centres commerciaux.

Cette décision se fonde sur la nature commerciale de la location dans la mesure où les loyers sont indexés au CA des locataires et le bailleur s’immisce dans la gestion du centre (notamment, mise à disposition gratuite de parkings aux clients, actions de promotion du centre).

Elle a donc potentiellement d’autres conséquences, notamment pour les SCI réalisant une activité similaire qui pourraient se voir soumises à l’IS de plein droit au titre de la réalisation d’une activité commerciale (position souvent soutenue par l’Administration).

Ceci étant, c’est une décision de première instance et il sera intéressant de connaître la position de la Cour Administrative d’appel, saisie par l’Administration. Une décision qui lui serait favorable (et donc, qui ne reconnaitrait pas la commercialité de la location) serait sécurisante pour les SCI propriétaires de centres commerciaux.

 

Principe d’exclusion des sociétés immobilières du régime d’exonération d’IS des plus-values de cession de titres de participation

Selon l’article 219 I a quinquies du Code général des impôts (CGI), les plus-values de cession de titres de participation supérieure à 5%, détenus depuis plus de 2 ans, sont exonérées d’impôt sur les sociétés, hormis une quote-part de frais et charges représentant 12% de la plus-value, soit une imposition d’environ 3,36% de la plus-value.

Depuis 2007, ce régime d’exonération ne s’applique plus aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées. Ainsi, la plus-value de cession de tels titres est imposable à l’IS au taux de droit commun (28% actuellement) quelle que soit la durée de détention des titres.

L’article 219 I a sexies-0 bis) du CGI définit les sociétés à prépondérance immobilière comme les sociétés dont l’actif est à la date de la cession de ces titres, ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par :

  • des immeubles,
  • des droits portant sur des immeubles,
  • des droits afférents à un contrat de crédit-bail, ou
  • par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière,
  • étant précisé que ne sont pas pris en compte les immeubles ou les droits affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale.

→ Le Tribunal administratif de Montpellier admet l’application du régime d’exonération d’IS des titres de participation à la cession de titres de sociétés bailleresses de locaux situés dans un centre commercial au motif du mode d’exploitation spécifique de ces centres.

 

→ Les faits de l’espèce

En 2012, une holding a cédé des titres de 3 filiales sous forme de SNC propriétaires de biens immobiliers constituant un centre commercial. Ces 3 SNC louaient leurs biens immobiliers nus à différents exploitants moyennant un loyer comportant une part fixe et une part variable représentant entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires HT des sociétés locataires. En outre, ces 3 SNC participaient à la gestion commerciale du centre en contribuant, notamment, à la gratuité du stationnement automobile pour les clients, à la prise en charge de divers travaux d’aménagement et aux opérations destinées à promouvoir le centre commercial.

Lors de la vente, la holding a considéré que la plus-value de cession des titres des 3 SNC bénéficiait du régime d’exonération des plus-values de cession de titres de participation.

L’administration fiscale a ensuite remis en cause le bénéfice du régime d’exonération des plus-values en considérant que les SNC étaient des sociétés à prépondérance immobilière.

 

→ La décision

Le 27 janvier 2020 (n°1803441), le Tribunal administratif de Montpellier (2ème ch.) a tranché en faveur de la holding et prononcé l’annulation du rehaussement d’IS au titre des plus‑values de cessions des titres des SNC.

Pour juger que les biens immobiliers des SNC étaient affectés à leur propre activité commerciale et qu’ils ne devaient donc pas être pris en compte pour l’appréciation de la prépondérance immobilière des SNC, le Tribunal de Montpellier :

  • rappelle le principe applicable en matière d’imposition des revenus relevant de la catégorie des BIC selon lequel « si la location de locaux nus ne constitue pas, par nature, un acte de commerce, une telle opération peut toutefois revêtir un caractère commercial lorsque le bailleur a entendu, sous le couvert de la location consentie, participer indirectement à la gestion ou aux résultats d’une entreprise commerciale exploitée par le preneur », puis
  • conclut que, compte tenu des caractéristiques des locations par les SNC de leurs biens immobiliers exposées ci-avant (loyer comportant une part variable en fonction du CA des locataires, participation des SNC à la gestion commerciale du centre), les activités des SNC revêtaient un caractère commercial.


→ Quels impacts?

Tout d’abord, cette décision ayant fait l’objet d’un appel de la part de l’administration fiscale, elle doit être confirmée. En effet, au-delà du cas d’espèce, cette décision remet en cause la doctrine administrative selon laquelle ne peuvent être considérés comme affectés à la propre exploitation commerciale de la société, « les immeubles donnés en locations nus, meublés ou moyennant des redevances calculées d’après le chiffre d’affaires des entreprises locataires » (BOI-IS-BASE-20-20-10-30-31/12/2013 n° 90 et 100).

Dans le cas où cette décision serait confirmée, elle permettrait d’exonérer d’IS les plus-values de cession de titres de sociétés immobilières :

  • détenus depuis au moins 2 ans et répondant à la qualification de titres de participation,
  • lorsque les conditions de la location font perdre à celle-ci sa nature civile au profit d’une qualification commerciale : il sera nécessaire d’avoir d’une part un loyer calculé en % du résultat ou du chiffre d’affaires du locataire et une implication de la société bailleresse dans l’exploitation commerciale de l’immeuble. S’agissant d’éléments de fait, il pourra exister un risque de discussion avec l’administration fiscale sur le niveau suffisant de ces éléments pour faire basculer l’activité de location de la qualification d’activité civile à celle d’activité commerciale.

En revanche, cela fragiliserait encore plus la situation des SCI louant des locaux dans des centres commerciaux avec une quote-part de loyer indexée sur le CA du locataire, notamment si d’autres éléments peuvent conforter l’implication de la SCI dans l’activité du centre commercial ou plus largement du preneur. En effet, le risque de se voir soumis à l’IS serait notablement augmenté.

Enfin, quelle que soient les décisions rendues par les juridictions supérieures, elles ne seront pas transposables en matière de droits d’enregistrement, le droit de 5% étant applicable aux sociétés à prépondérance immobilière y compris lorsque les immeubles de la société sont affectés à sa propre exploitation commerciale.


Pierre Appremont & Samuel Drouin