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Le 2 octobre 2020

Projet de loi de finances (PLF) pour 2021 ou comment reconstituer ses fonds propres sans fiscalité ?


Peu de choses dans le PLF 2021 pour l’immobilier qui n’est sans doute pas la préoccupation du moment. Ceci dit, deux mesures nous semblent mériter l’attention car elles peuvent influer sur la réalisation d’opérations de haut de bilan :

  • Neutralisation fiscale de la réévaluation d’actifs,
  • Etalement de la fiscalité des opérations de sale & lease back (hors immeubles de placement).

Ces dispositifs temporaires peuvent être utiles dans le cadre d’opérations de refinancement ou de restructuration de bilan, notamment en cas de pertes nécessitant la reconstitution de fonds propres.

 

Neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs :


L’article L. 123-18 du Code de commerce autorise la réévaluation libre des actifs. Il s’agit d’une opération comptable permettant aux entreprises d’offrir une image plus fidèle de leur patrimoine en actualisant (en général à la hausse) la valeur des éléments d’actif immobilisés, inscrits à leur bilan pour leur valeur historique. L’opération permet ainsi d’augmenter les fonds propres du montant des plus-values latentes existant sur les actifs (sachant que les moins-values latentes sont, elles, toujours prises en compte via les provisions pour dépréciation).

Normalement, les opérations de réévaluation d’actifs entraînent une imposition immédiate des plus-values constatées à l’impôt sur les sociétés (28% en 2020).

L’article 5 du PLF 2021 prévoit une neutralisation des conséquences fiscales des réévaluations d’actifs. Cette mesure serait optionnelle, certaines entreprises pouvant avoir intérêt à inclure immédiatement leurs plus-values latentes dans leur résultat imposable (en cas de perte ou de déficits fiscaux reportables avec les limites d’imputation).

Attention, c’est tout ou rien, on ne peut pas limiter l’imposition à certaines plus-values et en exclure d’autres.

Sur le plan technique, la mesure s’appliquerait de la façon suivante :

  • Pour les immobilisations amortissables (pour un immeuble, principalement les constructions) : étalement de l’imposition des écarts de réévaluation (la plus-value) sur une durée de 15 ans pour les constructions, plantations, agencements et aménagements de terrains amortissables et de 5 ans pour les autres immobilisations. Sachant que les dotations aux amortissements constatées au titre d’exercices postérieurs seront calculées à partir des valeurs réévaluées, le complément d’amortissement (correspondant à l’écart de réévaluation) doit globalement compenser la quote-part de plus-value ajoutée au résultat chaque année, de telle sorte que cela n’entraîne pas d’augmentation du résultat imposable (il peut toutefois y avoir des décalages dans le temps, certains actifs s’amortissant sur une durée supérieure à 15 ans). 
  • Pour les immobilisations non amortissables (principalement le terrain ou les titres de sociétés) : régime de sursis d’imposition des écarts de réévaluation jusqu’à la cession ultérieure de ces biens.

Cette mesure serait applicable à la première opération de réévaluation constatée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2022.

 

Etalement de la plus-value réalisée lors d’une opération de cession-bail d’immeuble par une entreprise :


Afin de faciliter le refinancement des entreprises affectées par la crise sanitaire et leur permettre de reconstituer leur trésorerie, le gouvernement, par l’article 6 du PLF pour 2021, propose de rétablir le dispositif d’étalement de la plus-value de cession d’un immeuble dans le cadre d’une opération de cession-bail prévu à l’article 39 novodecies du Code général des impôts (CGI), qui avait déjà été mis en œuvre à la suite de la crise financière de 2008 (du 23 avril 2009 au 31 décembre 2010).

La cession-bail est l’opération par laquelle une entreprise propriétaire d’un bien immobilier professionnel le vend à une société de crédit-bail immobilier (crédit-bailleur) et simultanément le prend en crédit-bail immobilier et en devient locataire (crédit-preneur). Le crédit-bail est assorti d’une option d’achat permettant à l’entreprise cédante de racheter son immeuble, en cours ou à l’issue du contrat.

Cette technique de financement permet au cédant devenu crédit-preneur de conserver la jouissance de l’immeuble tout en restaurant sa trésorerie. En l’état actuel du droit, la plus-value réalisée à l’occasion de la cession d’un immeuble à une société de crédit-bail est imposée au titre de l’exercice de cession de l’actif, y compris dans le cadre d’une opération de cession-bail (un régime de faveur n’est prévu que pour la taxe de publicité foncière, 0,715% au lieu de 5,80/6,40%).

La mesure proposée consiste à étaler l’imposition de la plus-value de cession sur la durée du contrat de crédit-bail sans pouvoir excéder 15 ans. Ce régime n’est donc pas une neutralisation mais un étalement car, si sur cette période l’entreprise pourra déduire les redevances de crédit-bail (avec les limites fiscales que l’on connait), il n’y a pas nécessairement de corrélation entre le montant de la plus-value étalée et celui des redevances.

L’intérêt de cette seconde mesure nous semble plus limité car :

  • Elle est aussi temporaire (2020-2022) ;
  • Les immeubles de placement sont exclus (donc inapplicable pour les foncières, sauf si la société propriétaire est dans le même groupe que la société locataire) ;
  • Lors de son application précédente, cette mesure a été peu utilisée, probablement car la fiscalité n’est pas vraiment neutralisée mais simplement étalée, ce qui renchérit significativement le coût du refinancement…

A ce stade, c’est un projet, à suivre donc jusqu’au vote définitif de la loi de finances en décembre prochain.

 

Pierre Appremont