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Le 30 avril 2019

Régime marchands de biens : pour les opérations anciennes, la Cour de cassation remet en cause la possibilité d’éviter le reversement de droits en cas de respect partiel de l’engagement de revente 

Le contexte légal et réglementaire :

En application de l’article 1115 du Code général des impôts, l’acquisition d’un immeuble par un assujetti à la TVA avec engagement de revente dans le délai de 5 ans, est soumise aux droits d’enregistrement au taux de 0,715% au lieu de 5,80% (ou 6,40 % en Ile-de-France).

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En cas de défaut de respect de l’engagement de revente, l’acquéreur est tenu de verser le différentiel de droits, majoré des intérêts de retard.

 

Dans son instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 (reprise au Bulletin officiel des finances publiques BOI-ENR-DMTOI-10-50-20140429 n° 110) publiée à l’occasion de la réforme de la TVA immobilière et des droits d’enregistrement de 2010, l’Administration Fiscale a introduit la tolérance suivante dans le cas de la revente par lots d’un immeuble acquis sous le régime de l’article 1115 du CGI : « ‎lorsqu’à l’échéance du délai de cinq ans, l’engagement de revendre n’est respecté que pour une fraction du bien sur lequel il portait, l’acquéreur est redevable des droits dont il a été dispensé, ainsi que des frais et intérêts de retard qui en résultent, à hauteur de la différence entre le prix auquel il avait acquis le bien et le prix auquel a été vendu la (ou les) fraction du bien pour laquelle l’engagement a été respecté. Cette solution s’applique par parcelle ou lot lorsque le prix d’acquisition a été distingué dans l’acte ».

→ Si la somme des prix de vente des lots revendus dans le délai de 5 ans est supérieure au prix d’acquisition de l’immeuble, aucun complément de droits n’est dû bien que certains lots n’aient pas été revendus dans le délai de 5 ans (sous réserve que le prix d’acquisition de l’immeuble n’ait pas été ventilé par lot dans l’acte d’acquisition).

Cependant, postérieurement à la publication de cette doctrine administrative, l’administration fiscale a continué à notifier des redressements en cas de non-respect partiel de l’engagement de revente, alors que le prix de vente des lots revendus dans le délai de 5 ans était supérieur au prix d’acquisition de l’ensemble de l’immeuble. Pour ce faire, elle a considéré que cette doctrine administrative n’était applicable qu’aux opérations réalisées à compter du 11 mars 2010, date d’entrée en vigueur de la réforme de la TVA immobilière et des droits d’enregistrement de 2010 précitée.

Des décisions de juridictions favorables aux contribuables:

Dans ce contexte, des recours contentieux ont été introduits pour contester cette position et différentes juridictions ont donné satisfaction aux contribuables.

Celles-ci ont jugé que la doctrine administrative précitée était opposable à l’administration fiscale dès lors qu’elle avait été publiée antérieurement à la notification des redressements et donc à leur mise en recouvrement.

Par exemple, des dégrèvements ont été obtenus pour des acquisitions réalisées en 2005 ayant fait l’objet d’une proposition de rectification en 2013.

Le coup de frein donné par la Cour de cassation :

Parmi les décisions favorables aux contribuables, figurait celle de la Cour d’appel de Paris du 13 septembre 2016 (2015/07471), laquelle a fait l’objet par l’Administration fiscale d’un pourvoi devant la Cour de cassation, ayant abouti à la décision du 10 avril 2019 (arrêt n° 376 FS-P+B).

Or, la Cour de cassation remet en cause cette possibilité d’invoquer la doctrine administrative pour les opérations d’achat-revente antérieures à sa publication même lorsque les redressements sont notifiés postérieurement à cette publication.

En effet, elle annule la décision de la Cour d’appel de Paris en jugeant que « la doctrine formellement admise par l’administration, lorsqu’elle est invoquée à son bénéfice par le contribuable, ne peut être appliquée que selon ses termes et teneur en vigueur à l’époque des impositions litigieuses, ce dont il résulte que l’instruction ne pouvait recevoir application pour des impositions dont le fait générateur était antérieur au 18 avril 2011 ».

Ainsi, selon la Cour de cassation, cette doctrine ne peut être invoquée que pour les opérations pour lesquelles le fait générateur, soit a priori l’acquisition de l’immeuble objet de l’engagement, est intervenu à compter du 18 avril 2011.

C’est donc une mauvaise nouvelle pour les contribuables dont les instances sont encore en cours, même s’il peut être relevé que la question des conséquences d’une revente partielle de l’immeuble pour un prix supérieur au prix d’acquisition n’est pas encore définitivement tranchée, la Cour de cassation ayant renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris.

 

Pierre Appremont & Samuel Drouin