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Le 24 juin 2022

Taxes d’urbanisme : Evolutions récentes et à venir


Par Christine Bernardo, avocat counsel & Samuel Drouin, avocat counsel


Plusieurs évolutions récentes nous ont semblé intéressantes à commenter en raison de leur impact pratique ou financier sur les opérations de promotion ou de restructuration :

  • L’assiette de la taxe d’aménagement en cas d’opération de reconstruction ? une réponse défavorable aux opérateurs
  • Réforme de la gestion des taxes d’urbanisme : un transfert aux services fiscaux imminent avec des impacts restant à découvrir…
  • Taxe annuelle sur les bureaux : une bonne nouvelle pour les emplacements de stationnement : les zones de circulation ne sont plus taxables
  • Taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage : une mauvaise nouvelle pour les réserves attenantes de locaux commerciaux
  • Quelques précisions sur la notion d’achèvement : attention, bien souvent, la DAACT n’est pas l’achèvement
  • L’inconstitutionnalité du droit de suite du privilège du Trésor public en matière de taxe foncière

Taxe d’aménagement et opérations de reconstruction et d’agrandissement d’immeubles : quelle assiette
 ?

Une question non traitée par les dispositions légales :

Selon l’article L 331-6 du Code de l’urbanisme, sont passibles de la taxe d’aménagement, non seulement les opérations de construction, mais également les opérations de reconstruction et d’agrandissement d’immeubles. Cependant, aucune disposition légale ou réglementaire ne précise les modalités de calcul de la base de la taxe d’aménagement pour ces opérations de reconstruction et d’agrandissement d’immeubles, à savoir :

  • La surface créée, sans déduction des surfaces démolies ?
  • La surface nette créée (surface créée réduite des surfaces démolies) ?

Cette seconde option est celle prévue par l’article L 520-7 II du Code de l’urbanisme relatif à taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France pour les opérations de reconstruction qui prévoit expressément que cette taxe est assise sur les mètres carrés de surface de construction qui excèdent la surface de construction de l’immeuble avant reconstruction ou réhabilitation.

Les réponses du Conseil d’Etat :

Par une première décision du 25 mars 2021 (n° 431603), le Conseil d’Etat, saisi du cas d’opérations de démolition totale des bâtiments existants suivies de la reconstruction de nouveaux immeubles, retient que doit être regardée comme une opération de reconstruction passible de la taxe d’aménagement  « une opération comportant la construction de nouveaux bâtiments à la suite de la démolition totale des bâtiments existants » puis juge, que dans ce cas, la taxe d’aménagement est assise « sur la totalité de la surface de la construction nouvelle, sans qu’il y ait lieu d’en déduire la surface supprimée ».

Cette solution est réaffirmée dans une seconde décision du Conseil d’Etat du 31 mars 2022 (n° 460168), par laquelle le Conseil d’Etat précise, en distinguant 3 hypothèses :

  • En cas de reconstruction, définie comme une opération comportant la construction de nouveaux bâtiments à la suite de la démolition totale des bâtiments existants, la taxe d’aménagement est assise sur la surface totale créée, sans déduction des surfaces taxables démolie ;
  • En cas de reconstruction après destruction totale d’une partie divisible, la taxe d’aménagement est également assise sur la surface totale créée, sans déduction des surfaces taxables démolie ;
  • Inversement, en cas d’agrandissement d’un bâtiment existant, définit comme « une opération ayant pour conséquence une augmentation nette de la surface d’un bâtiment préexistant»,  le Conseil d’Etat préciseque « la taxe d’aménagement est assise sur la surface créée, déduction faite, le cas échéant, de la surface supprimée ».

Pour justifier ces solutions différentes, le Conseil d’Etat invoque la différence de nature des travaux qu’impliquent les deux types d’opérations, seules les opérations d’agrandissement conservant le bâtiment ou la fraction divisible du bâtiment préexistant.

Ces décisions du Conseil d’Etat apportent des précisions utiles pour la détermination de l’assiette de la taxe d’aménagement mais ne tranchent pas totalement le sujet.

En effet, les opérations de restructuration lourde d’immeubles doivent-elles être considérées comme des opérations d’agrandissement taxables uniquement à hauteur des surfaces créées et non comme des opérations de reconstruction dès lors qu’il n’y a pas démolition totale des bâtiments existants ? Cette assimilation des opérations de restructuration lourde d’immeubles à des opérations d’agrandissement est défendable, mais en cas de travaux démolition substantiels affectant les bâtiments existants, il est fort probable qu’il existera un risque de discussion avec l’administration, notamment si cette opération de restructuration ne s’accompagne pas d’une augmentation nette de la surface existante.

Or, les possibilités d’augmenter de manière importante les surfaces de bureaux sont, à ce jour, notamment limitées sur la commune de Paris ou en Ile de France compte tenu des difficultés à obtenir l’agrément autorisant la réalisation de surfaces de bureaux dans cette région.

Et pour simplifier le tout, la notion de restructuration lourde n’est pas exactement la même en matière de TVA et de droits d’enregistrement (notion de planchers non porteurs) ce qui peut conduire à des approches différentes pour la taxe d’aménagement…

REGLES D’ASSIETTE DE LA TAXE D’AMENAGEMENT SUITE AUX DECISIONS DU CONSEIL D’ETAT

Nature de l’opération Définition du Conseil d’Etat Assiette
Reconstruction Démolition totale des bâtiments existants et construction de nouveaux bâtiments Totalité de la surface de la construction nouvelle
Agrandissement Opération ayant pour conséquence une augmentation nette de la surface d’un bâtiment préexistant Surface créée réduite de la surface éventuellement supprimée
Restructuration lourde Pas de définition pour la taxe d’aménagement Incertitude car si pas de démolition totale des bâtiments, démolition le plus souvent du second œuvre et pour partie du gros œuvre (façades, structure)

En tout état de cause, le pétitionnaire doit, pour bénéficier de cette déduction, préciser aux pages 17 et suivantes du formulaire CERFA de demande de permis de construire, dénommées « Déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions pour les demandes de permis de construire et permis d’aménager », préciser la surface taxable démolie. Cela supposera donc de saisir un géomètre-expert pour calculer les surfaces taxables démolies sachant que l’assiette de la surface taxable est plus large que la surface de plancher.


Reforme à venir concernant la taxe d’aménagement, la taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France et la redevance d’archéologie préventive

L’article 155 de la Loi 2020-1721 de finances pour 2021 a prévu le transfert de la gestion de la taxe d’aménagement, de la taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Île‑de-France et de la redevance d’archéologie préventive, des directions départementales des territoires (DDT) vers les services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

Le V de cet article 155 a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de prendre pour ces taxes des mesures de coordination, d’harmonisation, de simplification, de modernisation afférentes à leur champ d’application, fait générateur, gestion, contrôle, sanctions, modalités de dégrèvement, contentieux, procédures de rescrit…

Le champ de cette habilitation étant relativement vaste, il convient donc de suivre la publication de cette ordonnance, celle-ci devant prochainement intervenir puisque l’habilitation donnée au Gouvernement arrive à expiration le 30 juin 2022 (18 mois à compter de la publication de la Loi de finances pour 2021 intervenue le 30 décembre 2020).

Il n’est pas exclu que ce transfert de compétence provoque quelques difficultés, voire des changements d’appréciation ou de pratiques pouvant surprendre…


Taxe annuelle sur les bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement en Ile-de-France – Détermination des surfaces de stationnement taxables

Pour mémoire :

Les surfaces de stationnement imposables sont définies par l’article 231 ter III 4° du Code général des impôts, comme les « locaux ou aires, couvertes ou non couvertes, destinés au stationnement des véhicules et qui font l’objet d’une exploitation commerciale ou sont annexés aux locaux mentionnés aux 1° à 3° sans être intégrés topographiquement à un établissement de production », les locaux mentionnés aux 1° et 3° étant les bureaux, locaux commerciaux et de stockage. Seules les surfaces de stationnement dont la superficie excède 500 m2, et constituant des annexes aux locaux de bureaux, de locaux commerciaux et de stockage, sont imposables, le tarif pour 2022 variant selon la zone de 2,09 € à 7,24 € par m2 (incluant la taxe additionnelle).

Pour déterminer les surfaces de stationnement taxables, la doctrine administrative (BOI-IF-AUT-50-10-10 n° 270) a précisé qu’il convenait de tenir compte des voies de circulation et des rampes d’accès audites surfaces.

Le Conseil d’Etat précise les surfaces de stationnement taxables :

Par une décision du 20 octobre 2021 (n° 448562), le Conseil d’Etat apporte les précisions suivantes :

  • Pour déterminer si les surfaces de stationnement sont annexées à des bureaux, locaux commerciaux ou de stockage et donc taxables, « il y a lieu de rechercher si leur utilisation contribue directement à l’activité qui y est déployée ». Dans l’espèce en cause relative à des aires de dépôt de bus, le Conseil d’Etat a considéré que cette condition n’était pas remplie. A cette fin, il a relevé que les aires de dépôt de bus étaient destinées au remisage, en dehors des horaires de service, des bus exploités commercialement par la société et à leur immobilisation aux fins d’entretien ou de réparation et qu’en conséquence elles ne contribuaient pas directement à l’activité déployée dans les locaux de bureaux attenants. Il a jugé qu’il en était de même pour les places de stationnement réservées aux chauffeurs de bus pour leurs véhicules personnels durant les heures de service des bus et ce même si les chauffeurs de bus avaient accès aux locaux de bureaux (pour bénéficier d’un vestiaire et de services annexes ou pour se rendre auprès des services gestionnaires).
  • Les surfaces des voies de circulation internes desservant les emplacements de stationnement ne sont pas à prendre en compte.

Suite à cette décision, la doctrine administrative précitée a été modifiée. D’une part, elle précise expressément que les voies de circulation et les rampes d’accès n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe et d’autre part mentionne le critère « d’utilisation contribuant directement à l’activité qui y est déployée » introduit par le Conseil d’Etat.


Taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage en Ile-de-France – définition des réserves taxables en tant que locaux commerciaux

Pour mémoire :

En application de l’article L 520-1 du Code de l’urbanisme, la construction, reconstruction ou agrandissement de locaux de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage en Ile-de-France est soumise à une taxe (dénommée redevance avant 2016).

Pour la définition des locaux taxables, l’article L-520-1 précité renvoie à l’article 231 ter du Code général des impôts relatif à la taxe annuelle sur les bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage situés en Ile-de-France. Ainsi, il en résulte que les locaux commerciaux taxables sont les « locaux destinés à l’exercice d’une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à ces activités de vente ou de prestations de service ».

S’agissant des réserves, la détermination de leur caractère attenant ou non à des locaux commerciaux revêt un enjeu important puisque selon la réponse, le montant de la taxe sera très différent. En effet, à titre d’illustration pour l’année 2022, si des réserves sont attenantes à des locaux commerciaux, elles seront passibles de la taxe au tarif de 137,52 €/m2 (tarif applicable à Paris et dans les Hauts-de-Seine) alors qu’à défaut, le tarif serait celui des locaux de stockage, à savoir 14,95 €.

Le Conseil d’Etat précise la qualification de réserves attenantes à des locaux commerciaux :

Selon la décision du Conseil d’Etat du 19 avril 2022 (n° 443039), pour être qualifiés de réserves attenantes à des locaux commerciaux, « les locaux concernés doivent à la fois se situer à proximité immédiate des locaux où est exercée l’activité de commerce ou de prestations de services et contribuer directement à cette activité ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat confirme le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui avait considéré que constituaient des réserves attenantes à des locaux commerciaux (restauration), des réserves d’une surface de 685 m² où étaient entreposés des denrées et des matériels nécessaires à l’exploitation de restaurants situés à quelques étages au-dessus desdites réserves et reliés à celles-ci par des ascenseurs.

Cette décision confirme également la doctrine administrative selon laquelle pour être attenantes, les réserves doivent être à « proximité immédiate » des locaux commerciaux (BOI-IF-AUT-50-10-10 n° 140) et que tel est le cas lorsque plusieurs étages séparent les locaux commerciaux, des réserves (BOI-IF-AUT-50-20 n° 108 exemple 6). Le Conseil d’Etat ajoute néanmoins la condition de contribution directe à l’activité exercée dans les locaux commerciaux.

A noter que la qualification de ces locaux de réserve peut être différente au regard des destinations définies par le code de l’urbanisme. En effet, le code de l’urbanisme dispose que les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal. Sont réputés constitués des locaux accessoires, les locaux nécessaires à l’activité exploitée dans le local principal. La jurisprudence ajoute également des critères physiques qui ne sont pas visés par la jurisprudence fiscale : ainsi, un local accessoire doit ainsi avoir une superficie nettement inférieure à celle du local principal.

Cette interprétation différente implique, lors de la constitution d’un dossier de demande de permis de construire, de calculer les surfaces taxables déclarées dans le formulaire de déclaration pour le calcul de la taxe relative à la création de bureaux et locaux commerciaux en Île-de-France (PC 33) indépendamment des destinations indiquées dans le tableau de surfaces du formulaire de demande de permis de construire.


Définition de la date d’achèvement d’un immeuble

La détermination de la date d’achèvement d’un immeuble a des conséquences significatives pour l’application de différents impôts (droits d’enregistrement, TVA, exonération de taxe foncière des constructions nouvelles …). Ce point a donc donné lieu à d’assez nombreux contentieux dont il résulte que la date à prendre en compte n’est pas celle de la déclaration administrative d’achèvement de l’immeuble s’il peut être établi que l’immeuble était physiquement achevé antérieurement.

La notion d’achèvement physique de l’immeuble étant difficile à définir compte tenu de sa dimension subjective, les décisions et prises de position de l’administration fiscale relatives à cette notion sont toujours utiles.

Tel est le cas de la réponse ministérielle Le Meur du 2 mars 2021 (n° 34828) en matière de taxe foncière. Dans cette réponse, l’administration fiscale précise que « la date d’achèvement des travaux, au sens fiscal, s’entend de la date à laquelle la construction est habitable (gros œuvres terminés, maçonneries, couverture et fermetures extérieures achevées, branchements effectifs), y compris lorsque des travaux accessoires (papiers peints, revêtement de sols…) restent à effectuer » et confirme qu’un immeuble peut être considéré comme achevé par l’administration fiscale bien qu’aucune déclaration d’achèvement n’ait été déposée par le propriétaire.

A ce titre, on peut relever que le code de l’urbanisme ne fixe plus de délai pour le dépôt de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux – l’article L. 462-1 du Code de l’urbanisme dispose seulement qu’à « l’achèvement des travaux de construction ou d’aménagement, une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable est adressée à la mairie. »

Inversement, les propriétaires doivent déclarer la construction de nouveaux locaux ou leur transformation à l’administration fiscale afin que celle-ci mette à jour la valeur locative des locaux concernés dans les 90 jours de l’achèvement de la construction ou de la réalisation définitive du changement de consistance ou d’affectation.


L’inconstitutionnalité du droit de suite du privilège du Trésor public en matière de taxe foncière

L’article 1920 2-2° du Code général des impôts et la jurisprudence de la Cour de cassation y afférente ont conféré au privilège du Trésor Public un droit de suite pour les impayés de taxe foncière permettant d’appréhender les loyers d’un immeuble alors qu’il n’appartient plus au propriétaire débiteur des impayés de taxe foncière. En effet, par une décision du 28 mars 2006 (n° 03-13.822), la Cour de cassation a jugé que l’article 1920 2-2° du CGI stipule que le privilège du Trésor public s’exerce sur les loyers d’un immeuble sans distinguer selon que l’immeuble appartient toujours ou non au propriétaire défaillant.

Par une décision du 13 mai 2022 (n° 2022-992 QPC), le Conseil constitutionnel a jugé que cet article, tel qu’interprété par la Cour de cassation, était contraire à la Constitution en ce qu’il permet, en cas de transfert de propriété de l’immeuble, que la créance de taxe foncière sur l’ancien propriétaire puisse être recouvrée sur les loyers dus au nouveau propriétaire. A cette fin, le Conseil constitutionnel a relevé qu’en mettant la créance de taxe foncière à la charge du nouveau propriétaire de l’immeuble, alors qu’il n’est ni le redevable légal de cet impôt ni tenu solidairement à son paiement, ces dispositions de l’article 1920 2-2° du CGI portent à son droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi (garantir le recouvrement des créances publiques).

Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision, à savoir le 14 mai 2022. L’article 1920 2-2° du CGI dans sa rédaction applicable au litige en cause n’étant plus en vigueur, le Conseil constitutionnel n’a pas prononcé l’abrogation de l’article 1920 2 2° du CGI. Cependant, en pratique, les dispositions en cause étant identiques dans la version actuelle de l’article 1920 2-2° du CGI, il convient de considérer que cette décision est également applicable à l’article 1920 2 2° du CGI dans sa rédaction actuelle et donc supprime la possibilité pour le Trésor Public d’exercer ce droit de suite en matière de taxe foncière auprès de propriétaires successifs.

Cette décision permet d’écarter un risque fiscal pour l’acquéreur d’un immeuble lorsque le vendeur n’est pas en mesure de justifier du paiement de la taxe foncière et donc permet de se dispenser d’exiger des garanties du vendeur.