Droits de succession et de donation : quelles règles pour les non-résidents ?

droit de succession

La mondialisation et la mobilité croissante des personnes complexifient la gestion du patrimoine familial, surtout lorsque des membres résident à l’étranger. Nombreux sont ceux qui, confrontés à une succession ou à une donation transfrontalière, se retrouvent démunis face à la diversité des législations. Les enjeux fiscaux, souvent sous-estimés, peuvent générer de lourdes conséquences financières si l’on ne maîtrise pas les règles applicables. Nous allons éclairer les spécificités françaises en matière de transmission de patrimoine pour les non-résidents, afin de vous permettre d’anticiper sereinement chaque étape.

Comprendre la notion de non-résidence fiscale

La définition de la non-résidence fiscale constitue le socle de la fiscalité applicable aux successions et donations internationales. Selon la législation française, une personne est considérée comme non-résidente fiscale si elle ne répond à aucun des critères suivants : avoir son foyer ou le centre de ses intérêts économiques en France, exercer une activité professionnelle principale sur le territoire, ou séjourner plus de 183 jours par an dans l’Hexagone. La notion de foyer inclut le conjoint, le partenaire de PACS et les enfants. À défaut, la résidence fiscale s’apprécie au regard du lieu de séjour principal ou du centre des intérêts économiques, c’est-à-dire le lieu où se situent les principaux investissements ou d’où proviennent la majorité des revenus.

Cette distinction s’avère déterminante, car elle conditionne l’assujettissement aux droits de succession et de donation en France. Il n’est pas rare qu’une personne soit considérée comme résidente fiscale de plusieurs pays simultanément. Les conventions fiscales internationales, conclues par la France avec de nombreux États, apportent alors des critères supplémentaires pour trancher les situations de double résidence. Nous conseillons d’analyser précisément votre situation personnelle avant toute opération patrimoniale transfrontalière.

Transmission de patrimoine : quels biens sont concernés ?

La fiscalité successorale et celle des donations s’appliquent différemment selon la nature et la localisation des biens transmis. Sont concernés : les biens immobiliers (appartements, maisons, terrains), les biens mobiliers (meubles, œuvres d’art, véhicules), les valeurs mobilières (actions, obligations, parts sociales), ainsi que les créances et autres droits incorporels. La localisation de ces biens détermine leur imposition : un bien situé en France sera en principe imposable en France, même si le défunt, le donateur ou l’héritier vit à l’étranger.

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La situation se complexifie pour les actifs financiers : certaines valeurs mobilières, bien que détenues à l’étranger, peuvent être considérées comme françaises si elles sont émises par une société dont l’actif est principalement composé de biens immobiliers situés en France. Les créances sur un débiteur établi en France sont également assimilées à des biens français. Nous devons donc être attentifs à la nature exacte des biens transmis et à leur localisation, car cela conditionne directement la fiscalité applicable.

Fiscalité applicable selon la situation des parties

La fiscalité des transmissions varie selon la résidence fiscale du donateur ou du défunt, ainsi que celle du bénéficiaire. Trois grandes situations se présentent :

  • Si le défunt ou le donateur est résident fiscal français, tous les biens transmis, qu’ils soient situés en France ou à l’étranger, sont en principe imposables en France. Les héritiers ou donataires non-résidents sont donc concernés.
  • Si le bénéficiaire (héritier ou donataire) a été résident fiscal français pendant au moins six ans au cours des dix dernières années précédant la transmission, il sera imposé en France sur l’ensemble des biens reçus, même si le donateur ou le défunt est non-résident et que les biens sont situés hors de France.
  • Si ni le défunt, ni le donateur, ni le bénéficiaire n’est résident fiscal français, seuls les biens situés en France sont imposables en France.

La règle des six ans constitue un point de vigilance majeur, souvent méconnu. Elle vise à éviter l’exil fiscal temporaire en vue d’une transmission. Les conventions fiscales internationales, lorsqu’elles existent, peuvent toutefois modifier ces principes et limiter la double imposition, voire prévoir des exonérations spécifiques.

Rôle des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales bilatérales signées par la France jouent un rôle clé pour éviter la double imposition lors d’une succession ou d’une donation impliquant un non-résident. Ces accords répartissent le droit d’imposer entre la France et l’État de résidence, en fonction du domicile fiscal du défunt ou du donateur et de la localisation des biens. Selon les conventions, deux méthodes sont principalement utilisées : l’exonération (un seul État impose chaque bien) ou l’imputation (les deux États imposent, mais un crédit d’impôt est accordé).

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Les conventions conclues avec la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis, la Suisse et l’Espagne figurent parmi les plus sollicitées. Elles précisent, pour chaque type de bien, l’État compétent pour l’imposition et les modalités d’élimination de la double imposition. Nous recommandons de consulter systématiquement la convention applicable avant toute transmission, car les règles diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre.

  • Belgique
  • Royaume-Uni
  • Allemagne
  • Italie
  • États-Unis
  • Suisse
  • Espagne

Abattements et calcul des droits

Les transmissions à titre gratuit bénéficient d’abattements fiscaux, dont le montant varie selon le lien de parenté et la résidence fiscale des parties. Ces abattements permettent de réduire la base imposable, et donc le montant des droits à acquitter. Voici un tableau récapitulatif des principaux abattements en vigueur :

Lien de parentéMontant de l’abattement
Entre parents et enfants100 000 €
Entre grands-parents et petits-enfants31 865 €
Entre arrière-grands-parents et arrière-petits-enfants5 310 €
Entre frères et sœurs15 932 €
Entre oncles/tantes et neveux/nièces7 967 €
Entre personnes non parentes1 594 €

Après application de ces abattements, un barème progressif s’applique, avec des taux variant de 5 % à 60 % selon le degré de parenté. Les conventions fiscales internationales peuvent prévoir des règles spécifiques ou des exonérations complémentaires. Nous constatons que l’anticipation et la structuration de la transmission permettent souvent d’optimiser la fiscalité, dans le respect de la législation.

Déclaration et paiement : démarches à suivre

Les obligations déclaratives diffèrent selon la situation des parties et la nature de la transmission. Pour une donation, le bénéficiaire doit déposer une déclaration (formulaire n°2735 ou 2734) auprès du service des impôts compétent, généralement la Recette des non-résidents lorsque l’un des protagonistes réside hors de France. Le délai de déclaration est d’un mois à compter de l’acte de donation. En cas de succession, la déclaration doit être déposée dans les six mois suivant le décès si celui-ci a eu lieu en France, ou dans les douze mois si le décès est survenu à l’étranger.

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Le paiement des droits s’effectue en une seule fois, par virement, chèque ou espèces dans la limite autorisée. Le non-respect des délais entraîne des pénalités et des intérêts de retard. Nous recommandons de faire appel à un notaire spécialisé pour sécuriser la procédure, notamment lorsque des biens sont situés dans plusieurs pays ou que les parties sont dispersées à l’international.

Cas pratiques et exemples concrets

Pour mieux illustrer la diversité des situations, examinons quelques scénarios fréquents :

  • Un parent résidant en France souhaite transmettre un appartement parisien à son enfant vivant au Canada. La donation est imposable en France, avec application de l’abattement en ligne directe. L’enfant, bien que non-résident, devra déclarer la donation et s’acquitter des droits auprès de la Recette des non-résidents.
  • Une succession concerne un défunt non-résident, dont un héritier a été résident fiscal français pendant plus de six ans au cours des dix dernières années. L’ensemble des biens, en France et à l’étranger, sera imposable en France pour cet héritier, sauf disposition contraire d’une convention fiscale.
  • Un grand-parent résidant à l’étranger transmet des parts de société détenant principalement de l’immobilier en France à un petit-enfant résidant hors de France. Les droits de donation seront dus en France, à proportion de la valeur des biens immobiliers détenus par la société.

Ces exemples démontrent la nécessité d’analyser chaque situation individuellement, en tenant compte du parcours de vie des membres de la famille et de la localisation des actifs.

Conseils pour optimiser la transmission internationale

Pour limiter la charge fiscale lors d’une transmission internationale, plusieurs leviers existent. Nous conseillons d’anticiper les transmissions, afin de profiter au mieux des abattements renouvelables tous les quinze ans. Le recours à un notaire ou à un avocat fiscaliste spécialisé en droit international privé permet d’identifier les stratégies adaptées à chaque configuration, notamment au regard des conventions fiscales applicables.

L’analyse précise de la résidence fiscale des parties, la structuration du patrimoine (par exemple via des sociétés civiles immobilières), et la connaissance des abattements et exonérations propres à chaque pays sont des atouts majeurs. Il convient d’éviter les montages agressifs, qui peuvent être remis en cause par l’administration fiscale. La transparence et la conformité aux règles locales et internationales garantissent la sécurité juridique et la sérénité des transmissions transfrontalières.

En définitive, la maîtrise des droits de succession et de donation pour les non-résidents repose sur une approche personnalisée, une veille constante des évolutions législatives et une anticipation rigoureuse. Nous estimons que s’informer en amont et solliciter des professionnels compétents demeure la meilleure façon de préserver les intérêts familiaux et patrimoniaux à l’international.

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