La fiscalité immobilière représente un véritable dédale pour les propriétaires bailleurs. Entre taxe foncière, impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, vous devez jongler avec de nombreuses obligations fiscales. Parmi ces taxes, la Contribution sur les Revenus Locatifs (CRL) reste méconnue de nombreux propriétaires, alors qu’elle peut avoir un impact significatif sur la rentabilité de certains investissements immobiliers. Cette taxe de 2,5% ne concerne pas tous les bailleurs, mais ceux qui y sont assujettis doivent l’intégrer dans leur stratégie fiscale. Nous vous proposons un tour d’horizon complet de ce dispositif pour comprendre son fonctionnement et ses implications.
Table des matières
ToggleQu’est-ce que la taxe sur les revenus locatifs ?
La Contribution sur les Revenus Locatifs (CRL) a été instaurée en 2001 pour remplacer la Contribution Additionnelle au Droit de Bail (CACRDB). Cette taxe constitue une contribution fiscale spécifique qui s’applique aux revenus issus de la location d’immeubles bâtis. Son taux est fixé à 2,5% et s’applique uniquement sur les loyers perçus pour des immeubles achevés depuis au moins 15 ans au 1er janvier de l’année d’imposition.
La CRL vise principalement à taxer les revenus locatifs générés par des biens immobiliers anciens. Cette mesure s’inscrit dans une logique de contribution au financement du logement social et de rénovation du parc immobilier. Contrairement à d’autres taxes immobilières, la CRL ne touche pas tous les propriétaires bailleurs, mais cible spécifiquement certaines catégories de personnes morales, ce qui en fait une taxe à portée limitée mais non négligeable pour ceux qui y sont soumis.
Les personnes assujetties à cette contribution
La CRL concerne exclusivement les personnes morales, les personnes physiques en étant totalement exonérées depuis 2006. Les entités concernées par cette contribution sont :
Les sociétés et organismes soumis à l’impôt sur les sociétés (IS), comme les SARL, SAS ou SCI ayant opté pour l’IS. Par exemple, une SCI familiale qui aurait opté pour l’IS pour des raisons de gestion patrimoniale sera redevable de la CRL sur ses revenus locatifs issus d’immeubles de plus de 15 ans.
Les sociétés et groupements relevant de l’impôt sur le revenu (IR) dont au moins l’un des membres est soumis à l’IS. C’est notamment le cas d’une SCI à l’IR dont l’un des associés serait une société commerciale. Cette situation mérite une attention particulière, car la présence d’un seul associé soumis à l’IS suffit à rendre l’ensemble de la structure redevable de la CRL.
Les organismes sans but lucratif (associations, fondations, congrégations) qui disposent de revenus fonciers patrimoniaux taxables. Une association qui loue une partie de ses locaux à des tiers sera ainsi concernée par cette contribution.
Les autres personnes morales et organismes dont les revenus locatifs ne sont pas soumis à l’IS ou au régime fiscal des sociétés de personnes, comme certaines associations ou fondations qui perçoivent des loyers dans le cadre de leur activité sociale.
Biens immobiliers concernés par cette imposition
La CRL s’applique aux revenus provenant de la location de biens immobiliers bâtis achevés depuis au moins 15 ans au 1er janvier de l’année d’imposition. Cette condition d’ancienneté est évaluée à date fixe, ce qui signifie qu’un immeuble achevé le 15 janvier 2010 ne sera soumis à la CRL qu’à partir de l’année fiscale 2026.
Les types de biens concernés englobent les locaux d’habitation (appartements, maisons), les locaux professionnels (bureaux, cabinets) et les locaux commerciaux (boutiques, entrepôts). Un contrat de bail est nécessaire pour que la CRL s’applique, qu’il s’agisse d’un bail écrit en cours, d’un bail reconduit tacitement ou même d’une convention verbale. Cette large définition permet d’inclure la quasi-totalité des situations locatives, à l’exception des cas spécifiquement exonérés.
Cas d’exonération de la taxe locative
Plusieurs exonérations permettent aux bailleurs d’échapper à cette contribution. Ces exonérations peuvent être classées en deux catégories principales : celles liées aux revenus et celles liées à la nature des immeubles.
Concernant les revenus exonérés, nous retrouvons principalement :
- Les revenus locatifs soumis à TVA, ce qui concerne notamment les locations meublées professionnelles et certaines locations commerciales
- Les revenus locatifs n’excédant pas 1830€ par an et par local, ce seuil étant apprécié individuellement pour chaque local loué
- Les revenus des locations consenties à l’État ou aux établissements publics nationaux scientifiques, d’enseignement ou de bienfaisance
- Les revenus des locations à vie ou à durée illimitée
- Les revenus des locations consenties à des organismes gestionnaires de foyers de personnes âgées
Quant aux immeubles exonérés, la liste comprend :
- Les terrains nus, qui ne sont pas considérés comme des immeubles bâtis
- Les immeubles appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics
- Les immeubles appartenant aux organismes HLM
- Les locaux d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole
- Les immeubles faisant partie de villages de vacances ou de maisons familiales agréés
- Les logements ayant fait l’objet de travaux de réhabilitation financés à hauteur d’au moins 15% par une subvention de l’ANAH, pour les 15 années suivant l’achèvement des travaux
Tableau des principales exonérations
Type d’exonération | Conditions à remplir |
---|---|
Revenus locatifs soumis à TVA | Location assujettie à la TVA de plein droit ou sur option |
Faibles loyers | Revenus locatifs inférieurs à 1830€ par an et par local |
Locations spécifiques | Locations à vie, à durée illimitée ou consenties à l’État |
Immeubles publics | Appartenant à l’État, collectivités territoriales, HLM |
Immeubles réhabilités | Travaux financés à 15% minimum par l’ANAH (exonération pour 15 ans) |
Locaux vacants | Vacance non volontaire supérieure à 12 mois (exonération pour 3 ans) |
Calcul de l’assiette imposable
L’assiette de la CRL est constituée par le montant net des revenus locatifs perçus au cours de la période d’imposition. Cette base inclut non seulement les loyers proprement dits, mais aussi l’ensemble des recettes accessoires liées à la location.
Concrètement, l’assiette imposable comprend les loyers, les charges récupérées auprès des locataires, les recettes exceptionnelles comme les pas-de-porte ou les indemnités d’assurance perçues pour financer des travaux déductibles, les subventions (notamment celles versées par l’ANAH), et les avantages en nature. Par exemple, si une entreprise propriétaire met à disposition de ses salariés des logements, la valeur de cet avantage en nature sera intégrée dans l’assiette de la CRL. Pour un immeuble générant 100 000€ de revenus locatifs nets annuels, la CRL s’élèvera à 2 500€ (100 000 × 2,5%).
Taux applicable et modalités de paiement
Le taux de la CRL est fixé uniformément à 2,5% de l’assiette imposable. Ce taux s’applique sans distinction sur l’ensemble des revenus locatifs entrant dans le champ d’application de cette contribution.
Les modalités de déclaration et de paiement varient selon le régime fiscal du contribuable. Pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), la CRL est déclarée sur la liasse fiscale 2065 et payée via la déclaration de solde d’IS (formulaire 2572). Un acompte doit être versé à la date de paiement du dernier acompte d’IS. Pour les sociétés relevant du régime des sociétés de personnes (IR), la CRL est déclarée sur le formulaire 2582 et payée au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de résultats. Un acompte de 2,5% est généralement versé au plus tard le 15 du dernier mois de l’exercice. Quant aux organismes sans obligation déclarative fiscale ou comptable, ils doivent utiliser le formulaire 2073-SD pour déclarer et payer cette contribution.
Liste des documents fiscaux à préparer
- Pour les sociétés soumises à l’IS : liasse fiscale 2065 (pour la déclaration de la base) et formulaire 2572 (pour le paiement)
- Pour les SCI à l’IR : déclaration 2072 (déclaration de résultats) et formulaire 2582 (pour la CRL)
- Pour les autres entités sans obligation déclarative : formulaire 2073-SD
- Justificatifs des loyers perçus (quittances, relevés bancaires)
- Documentation sur l’âge des immeubles (actes notariés, permis de construire)
- Justificatifs des éventuelles exonérations (attestation TVA, subventions ANAH)
Répartition de la charge entre bailleur et locataire
En principe, la CRL est à la charge exclusive du bailleur. Toutefois, une exception notable existe pour les locaux commerciaux situés dans des immeubles composés majoritairement de locaux d’habitation. Dans ce cas spécifique, le locataire peut être tenu de supporter 50% du montant de la CRL.
Cette répartition doit être prévue dans le contrat de bail commercial. Une clause spécifique peut toutefois écarter cette possibilité, rendant ainsi la charge intégralement supportée par le propriétaire. Lors de la rédaction d’un bail commercial pour un local situé dans un immeuble mixte, nous recommandons d’accorder une attention particulière à cette disposition, qui peut représenter un point de négociation entre les parties.
Impact comptable et fiscal pour les entreprises
La CRL constitue une charge déductible du résultat fiscal. Elle doit être comptabilisée dans le compte 635xxx (Autres impôts, taxes et versements assimilés). Cette déductibilité permet d’atténuer partiellement l’impact de cette taxe sur la rentabilité des investissements immobiliers.
Pour évaluer précisément l’incidence de la CRL sur la rentabilité locative, il convient d’intégrer cette charge dans les calculs prévisionnels de rendement. Sur un immeuble ancien générant 50 000€ de revenus locatifs annuels, la CRL représente une charge de 1 250€, soit une diminution non négligeable du rendement net. Cette taxe peut ainsi influencer les décisions d’investissement, notamment pour les sociétés qui envisagent l’acquisition d’immeubles anciens à des fins locatives.
Conseils pratiques pour les bailleurs concernés
Pour optimiser la gestion de la CRL, nous recommandons plusieurs approches pragmatiques. Tout d’abord, anticipez cette charge fiscale dans vos prévisions budgétaires, en l’intégrant systématiquement dans vos calculs de rentabilité pour les immeubles de plus de 15 ans.
Vérifiez minutieusement si vous pouvez bénéficier d’une exonération. Les seuils de 1830€ par local et par an peuvent s’avérer stratégiques dans certaines configurations locatives. Pour les immeubles proches du seuil des 15 ans, planifiez vos investissements en tenant compte de cette échéance fiscale. Conservez soigneusement toute la documentation relative à l’âge des immeubles et aux éventuels travaux de réhabilitation financés par l’ANAH, qui peuvent ouvrir droit à une exonération de 15 ans.
La CRL représente une composante fiscale spécifique qui touche certaines catégories de bailleurs. Bien que limitée aux personnes morales et aux immeubles de plus de 15 ans, cette contribution peut peser sur la rentabilité des investissements immobiliers concernés. Une connaissance précise de son fonctionnement, de son champ d’application et des possibilités d’exonération permet d’optimiser sa gestion fiscale. Pour une analyse personnalisée de votre situation au regard de la CRL, n’hésitez pas à consulter un expert-comptable ou un conseiller fiscal spécialisé en immobilier.