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Le 11 avril 2023

Transfert d’opérations sous forme de sociétés entre promoteurs : le bilan, une image pas si fidèle ! 


Par Pierre Appremont, Avocat Associé & Samuel Drouin, Avocat Counsel  


Attention aux prestations de montage ou « d’équilibre » des associés : une pénalité de 50 % pour prestations « fictives » peut s’appliquer…

Pour rappel, la notion de prépondérance immobilière a généralement pour effet de renchérir la fiscalité d’une opération que cela soit en matière de droits d’enregistrement (5 % et non 3 % ou 0,1 %) ou d’imposition de la plus-value (25 % au lieu de 3 %).

 

La décision

Par un arrêt récent, la Cour Administrative d’Appel de Douai (4ème chambre, 30/03/2023, 21DA02410) s’est penchée sur la cession par une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) des parts d’une SCI développant un programme immobilier.

Celle-ci avait stocké à son bilan un certain nombre d’études et de travaux de démolition réalisés pour un terrain dont on peut comprendre qu’elle n’était pas (encore) propriétaire. En raison du poste comptable « encours de production de biens » d’un montant d’environ 1,5 M€ correspondant auxdites dépenses, l’Administration avait remis en cause l’application du régime des plus-values à long terme en matière d’IS[1] sur la cession des parts de ladite SCI, considérant que cette dernière était à prépondérance immobilière[2]. Il en résultait une imposition à l’IS de 33,33 % (taux à l’époque des faits, 25 % aujourd’hui) sur la totalité de la plus-value sans l’abattement de 88 % permettant une imposition réelle limitée à 4 % (3 % aujourd’hui).

La Cour vient ainsi de rappeler qu’en matière de prépondérance immobilière des sociétés pour l’imposition des plus-values de cession de titres, seuls les immeubles, droits immobiliers, droits afférents à un contrat de crédit-bail ou titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière, propriété (au sens juridique) de la société doivent être pris en compte pour déterminer l’éventuelle prépondérance de la société cédée.

A noter que le Tribunal administratif avait conclu à l’inverse que des encours de production étaient de nature immobilière quand bien même la société n’était pas encore propriétaire du terrain !

En matière de droits d’enregistrement, la Cour de cassation a déjà rappelé en 2020[3] que la notion d’immeuble devait être interprétée strictement ; ainsi un immeuble par destination n’était pas un immeuble au regard de la prépondérance immobilière !

 

Les enseignements à en tirer

1/ Par le présent arrêt, le Juge précise que cette notion d’immeuble est bien celle du Code civil et non celle pouvant être retenue pour l’approche comptable qui a une vision plus économique.

En conséquence, des travaux figurant au bilan mais ne concernant pas un immeuble propriété de la société, ne peuvent être pris en compte pour qualifier la prépondérance immobilière d’une société (et si la société avait été propriétaire du bien immobilier, c’est sa valeur vénale qu’il aurait fallu retenir indépendamment de la valeur comptable des travaux).

Il ne faut donc pas se limiter à l’analyse du bilan de la société mais s’intéresser aux biens immobiliers dont la société est juridiquement propriétaire (abstraction faite des droits de crédit-preneur d’un crédit-bail qui ont un traitement spécifique).


2/
Cette jurisprudence est particulièrement intéressante dans le domaine de la promotion où, en pratique, les sociétés cédées entre promoteurs qui portent des programmes immobiliers sont rarement à prépondérance immobilière nonobstant leur bilan, soit parce qu’elles ne se sont pas encore titrées sur le terrain, soit parce qu’elles l’ont déjà vendu en VEFA (or en présence d’une VEFA, la propriété juridique du bien est immédiatement transférée au cessionnaire, quand bien même comptablement l’immeuble figure au bilan du cédant jusqu’à sa livraison).

Cela a donc des impacts tant pour les droits d’enregistrement que pour l’imposition de la plus-value de cession.

3/ Autre élément de cette décision, moins sympathique cette fois : l’Administration voit valider par le Juge l’application de l’amende de 50 % appliquée au prix facturé pour une prestation considérée comme fictive.

Au cas d’espèce, les parties avaient facturé des prestations de « montage d’opération » proportionnellement aux participations détenues dans une SCCV.

L’Administration considérant que la réalité de la prestation n’était pas apportée, applique la pénalité prévue par l’article 1737 du CGI : 

« I. – Entraîne l’application d’une amende égale à 50 % du montant :
1…
2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle »

Le redressement est confirmé par la Cour, faute d’élément prouvant la réalité de la prestation.

  • Cette décision appelle donc à la plus grande vigilance quant à la pratique assez fréquente, notamment en matière de co-promotion, de facturer des honoraires qui parfois au-delà de correspondre à une prestation, ont également pour fonction de permettre la mise en œuvre de l’accord économique entre les parties.
  • Il est impératif de pouvoir prouver la réalité de la prestation, ce qui n’est pas toujours si facile (nécessité de constituer un dossier d’éléments de preuve de la réalité du travail effectué). A défaut, la pénalité (50 % des montants facturés) est particulièrement rude.


Grand point de vigilance donc ! 

 

[1] Art 219 I a quinquies du CGI

[2] Art 219 A a-sexies 0 bis) du CGI

[3] Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 décembre 2020, 18-25.559