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Le 8 décembre 2022

L’usufruit de parts sociales a le goût de part sociale, mais … ce n’est pas une part sociale, ainsi la constitution d’un usufruit n’est pas une cession ! 


Par Pierre Appremont, avocat associé & Thomas Bernault, juriste 

 

Pour mémoire : les opérations réalisées en 2020 peuvent faire l’objet d’une réclamation contentieuse jusqu’au 31 décembre 2022…[1].


Dans un arrêt du 30 novembre 2022
[2], la Cour de cassation, après avoir rappelé que la cession de droits sociaux emporte le paiement d’un droit d’enregistrement de 5 %, a jugé que tel n’était pas le cas de la cession de l’usufruit de droits sociaux dès lors que celle-ci n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux.


Pour rappel,
Les cessions de droits sociaux dans des sociétés à prépondérance immobilière sont soumises aux droits d’enregistrement au taux de 5 % (Article 726, I-2°, du CGI), alors que les actes innomés (sur la notion d’acte innomé : cf. BOI-ENR-DG-20-30-30-20) sont soumis à un droit fixe de 125 € (Article 680 du CGI).

 

En l’espèce,

Les contribuables avaient cédé l’usufruit temporaire de parts qu’ils détenaient dans la SCI NSG à la société Rocher Participations, qui s’est alors acquittée du droit fixe de 125 €.

L’Administration fiscale a rectifié le montant des droits d’enregistrement versé, considérant qu’il s’agissait d’une cession de droits sociaux dans une société à prépondérance immobilière et que l’acte devait donc être soumis aux droits d’enregistrement au taux de 5 %.

La Cour d’appel, confirmant la solution retenue par l’Administration, juge que la cession de l’usufruit des parts de la SCI NSG devait être soumise aux droits d’enregistrement au taux de 5 % pour les motifs suivants :

  • Le terme « cession», au sens des dispositions de l’article 726 du CGI, s’entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement (usufruit ou nue-propriété) : le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci ;
  • La cession a entraîné le transfert d’éléments de participation dès lors que les cédants de l’usufruit des parts ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes ainsi que leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées.

La chambre commerciale de la Cour de cassation ne voit pas les choses sous cet angle…

La haute juridiction considère que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux eux-mêmes, n’a pas à être soumise aux droits d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.

Cette décision se situe dans la lignée de sa jurisprudence :

  • D’une part, la cession de droits sociaux implique la transmission de la pleine propriété de ces droits, avec tous les composants qui s’y rattachent (e.g. droit de vote, droit de céder les titres…) ; alors que la cession de l’usufruit de droits sociaux porte uniquement sur la transmission du « droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance» (Article 578 du Code civil) ;
  • D’autre part, dans un avis rendu le 1er décembre 2021[3], la Cour de cassation avait indiqué que l’usufruitier de parts sociales ne pouvait pas se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. La Cour applique donc ici le principe posé dans son avis pour en tirer les conséquences sur la qualification des opérations de cession de l’usufruit de droits sociaux.
  • En outre, cette décision peut être rattachée au dispositif mis en place en 2012 prévoyant que le gain réalisé par un particulier cédant l’usufruit d’un bien ne constitue plus une plus-value, mais doit être imposé comme le revenu sous-jacent (puisque la valeur est en fait constituée de l’anticipation des revenus que pourra retirer le cessionnaire de l’usufruit sur sa durée) (Article 13, 5, du CGI).

Une possible transposition aux cessions d’usufruit portant sur des immeubles ?

A l’inverse de l’article 726 du CGI, l’article applicable aux cessions d’immeubles précise explicitement que la taxe de publicité foncière concerne tant la propriété que l’usufruit des biens immeubles (Article 683 du CGI).

La solution retenue en matière de cessions d’usufruit de droits sociaux n’apparaît donc pas transposable aux cessions d’usufruit de biens immeubles ! 

 

[1] Article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales

[2] Cour de cassation, chambre commerciale, 30/11/2022, n° 20-18.884

[3] Cour de cassation, chambre commerciale, 01/12/2021, n° 20-15.164