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Le 2 novembre 2020

Crédit d’impôt en cas d’abandon de loyers, qu’en attendre ?


Bruno Le Maire a annoncé jeudi dernier la création d’un crédit d’impôt bénéficiant aux bailleurs qui renonceraient à une quote-part de leurs loyers sur les derniers mois de l’année. L’idée, louable, bien que mettant un peu de pression supplémentaire sur les bailleurs, semble être de partager le coût d’une telle aide consentie au locataire entre le bailleur et l’Etat. En pratique et en attendant le projet de texte (devant être intégré dans la loi de finances pour 2021), que peut-on en dire ?
 

1/ Les conditions d’application

Le locataire doit :

– être une entreprise ;

– appartenir à un secteur soumis à une fermeture administrative ou faire partie du secteur HCR (hôtellerie, cafés, restauration) ;

– avoir moins de 250 salariés.

Le bailleur n’est soumis, semble-t-il, à aucune condition particulière.

L’abandon de loyer doit :

– concerner la période octobre – novembre – décembre 2020 ;

– porter sur au moins un mois de loyer (soit 33% des loyers de la période considérée).
 

2/ Modalités

Le crédit d’impôt (ci-après le « CI ») s’élèverait à 30% de l’avantage consenti au locataire. S’agissant d’un crédit d’impôt, il doit s’agir d’une créance sur le Trésor pouvant être utilisée pour acquitter l’impôt dû par le bailleur au titre de 2020 ou pouvant être remboursée par l’Etat à défaut d’impôt à payer (dans quel délai ?) ou mobilisée auprès d’une banque.

3/ Qu’en dire ?

– Sur le plan économique, ce crédit d’impôt permettrait de partager la charge nette liée à l’abandon de loyer entre le bailleur et l’Etat. En effet, pour un bailleur soumis à l’IS (28% en 2020), le coût de l’abandon de loyer net d’IS (ce qui suppose d’y être soumis et de réaliser un bénéfice imposable) serait de 72, soit après crédit d’impôt (normalement non imposable) un coût net de 42 (l‘Etat « perdant » l’IS de 28 et le CI de 30, soit 58).

– Bruno Le Maire a annoncé un coût pour l’Etat de l’ordre de 1 Md €, soit 3 Md € d’abandon de loyers sur la période considérée.

– A priori, ce dispositif se combine sans difficulté avec la mesure prise au printemps présumant tout abandon ou renonciation de loyer comme justifié et donc déductible du résultat imposable du bailleur. Cependant, on peut s’interroger sur « l’équité » de ce dispositif pour les bailleurs ayant consenti des abandons de loyers entre mars et septembre 2020, qui se voient exclus du champ du CI pour avoir anticipé la négociation avec leurs locataires.

– Cependant l’efficacité d’un crédit d’impôt suppose que son bénéficiaire y soit soumis et c’est sans doute le premier écueil du dispositif : certaines foncières sont soumises au régime SIIC ou OPCI et sont donc exonérées d’IS sur leur revenu locatif. Pourront-elles bénéficier de ce CI (ce qui supposerait qu’il leur soit remboursé, faute d’imputation possible) ? Par exemple, certaines entreprises exonérées d’IS peuvent bénéficier du crédit d’impôt recherche… mais pas toutes, cela dépend de la raison justifiant leur exonération.

Et si c’était le cas, ces sociétés étant exonérées sous condition de distribution sous forme de dividendes d’une fraction (importante) de leur revenu locatif, le montant du CI devra-t-il être pris en compte pour le calcul de l’obligation de distribution ?

– Quid des sociétés de personnes et notamment des SCPI ? Ces sociétés ne sont pas elles-mêmes soumises à l’impôt mais leurs associés le sont. Le principe est en général un transfert du crédit d’impôt de la société de personnes vers ses associés (au prorata de leurs droits). Et si pour une SCI familiale, cela semble facile, pour une SCPI, il faudra gérer la complexité y afférente.

– Enfin, et c’est un point d’attention pour les bailleurs, l’entreprise locataire doit avoir moins de 250 salariés. En d’autres termes, l’existence du CI est liée à une condition ne dépendant pas du bailleur… et pouvant susciter quelques difficultés. En effet, il n’est pas impossible que le texte à venir se réfère pour le locataire, à la notion de PME européenne ne serait-ce que pour éviter quelques débats autour des aides d’Etat. Or, ce texte prévoit plusieurs conditions :

– l’entreprise doit avoir moins de 250 salariés, et

– soit son CA doit être inférieur à 50 M€, soit son total de bilan ne doit pas excéder 43 M€

Mais surtout, ces critères doivent être appréciés en prenant en compte le groupe dont fait éventuellement partie l’entreprise et la notion de groupe à retenir en la matière peut être assez délicate à manier (elle très différente de celle conduisant à l’établissement de comptes consolidés par exemple), notamment il ne s’agit pas d’une seule approche capitalistique ou de détention majoritaire (des notions comme celle de l’influence dominante peuvent devoir être prises en compte).

  • Le bailleur devra donc s’assurer que son locataire est bien éligible avant de prendre en compte le CI dans son approche financière du coût net de l’abandon de loyer qu’il consentirait.

Il faut maintenant attendre les prochains jours pour avoir le projet de texte et pouvoir s’assurer des modalités précises de ce CI.

 

Pierre Appremont