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Le 4 janvier 2024

En matière d’option TVA sur les loyers, mieux vaut trop tôt que trop tard !  

 

Par Pierre Appremont, avocat associé & Samuel Drouin, counsel

 

Par un arrêt du 21 décembre dernier, le Conseil d’Etat a rappelé :

  • qu’une option ne peut prendre effet avant le premier jour du mois au cours duquel elle est exercée et qu’en conséquence,
  • si des dépenses ont été engagées précédemment, le droit à déduction de la TVA afférent à ces dépenses n’est pas automatique mais nécessite de démontrer l’intention de réaliser une activité taxable lors de l’engagement des dites dépenses.

En l’espèce, une société holding, n’ayant pas d’activité soumise à TVA, décide de développer une activité de location au profit de ses filiales en 2016. Cette activité s’est concrétisée par des baux prenant effet au 1er janvier 2017. Afin de soumettre les loyers résultant de cette activité à la TVA, la société holding a opté pour l’application de la TVA aux loyers (art 260 2° du CGI). Sans doute pour renforcer son droit à déduction au titre des dépenses exposées antérieurement, la société a cru bon de préciser que son option avait un effet rétroactif au 1er janvier 2016 (cf. arrêt de la CAA de Marseille du 10 mars 2023).

Alors que la CAA avait donné raison au contribuable en considérant que du fait de l’intention de la société holding de réaliser une activité taxable à la TVA, la TVA ayant grevé les dépenses supportées avant la date de l’option était déductible, le Conseil d’Etat considère que tel n’est pas le cas. Pour fonder leur décision, les juges constatent que la CAA n’a pas recherché, notamment dans la documentation contractuelle, si la société holding avait bien eu l’intention de réaliser une activité taxable préalablement à son option pour la TVA, et écarte toute portée rétroactive à l’option TVA, ce qui est conforme à la loi (Art 194 de l’annexe II au CGI).

En effet, l’option ne peut produire d’effet qu’à compter du 1er jour du mois où elle est exercée, soit au cas particulier au 1er décembre 2017 :

« En statuant ainsi, sans rechercher à quelle date avaient été souscrits les engagements contractuels en vertu desquels elle a débuté son activité, le 1er janvier 2017, et alors que l’option exercée était en tout état de cause insusceptible, en vertu des règles rappelées au point 2, de produire des effets, au titre de l’exercice par la société de son droit à déduction, antérieurement au 1er décembre 2016, la cour a commis une erreur de droit. »

Il n’est pas exclu qu’au cas particulier, l’effet rétroactif qu’a voulu donner le contribuable à son option pour la TVA, au-delà d’être vaine, ne lui ai pas nui.

En effet, ce qui importe, comme le rappelle le Conseil d’Etat, c’est d’être à même de démontrer qu’au jour où les dépenses ont été engagées, la société avait bien déjà l’intention de réaliser une activité taxable. 

 

Or au cas particulier, quand bien même, la société holding aurait pu justifier que ces dépenses avaient bien vocation à permettre une activité de location de biens professionnels, il restait à démontrer qu’à cette date, cette location avait vocation à être soumise à la TVA.

En pratique, la meilleure solution est bien évidemment d’opter pour la TVA dès les premières dépenses afin d’éviter toute ambiguïté. A défaut, c’est par l’existence de précontrats ou d’autres éléments objectifs prévoyant une location en TVA que la société holding aurait pu démontrer sa volonté dès 2016, l’option rétroactive a donc sans doute été perçue comme un changement de pied tardif…

L’enjeu à cette question de date de l’option nous semble pouvoir être double :
  • Soit le démarrage de l’activité soumise à TVA est retardé et de ce fait, l’activité préalable sera considérée comme n’ayant pas été soumise à TVA, ce qui a pour effet d’exclure la déduction de la TVA grevant les dépenses non immobilisées et de limiter la déduction de la TVA ayant grevé la construction ou l’acquisition du bien immobilier loué : à savoir qu’un 1/20e de cette TVA par année civile pendant laquelle l’immeuble a été considéré comme non affecté à une activité soumise à TVA serait perdu (en l’espèce, celui correspondant à l’année 2016), à cet enjeu s’ajoute un aspect trésorerie, le propriétaire devant procéder à une livraison à soi-même entraînant le paiement d’une TVA au Trésor en cas de construction d’un immeuble neuf ou acquitter une TVA, en cas d’acquisition d’un immeuble soumise à TVA, avant qu’elle ne devienne partiellement déductible lors du démarrage de l’activité taxable, ou de l’exercice de l’option,
  • Soit toute la TVA d’amont pourrait devenir non déductible si entre la période d’acquisition du bien immobilier ou de son achèvement et le début de l’activité, celui-ci devait être considéré comme affecté à un besoin privé hors du champ économique (hypothèse d’une société patrimoniale mettant à disposition de ses associés ses biens immobiliers par exemple).

 

Ainsi l’option pour la TVA sur les loyers peut se révéler piégeuse, après la définition de l’ensemble immobilier concerné par l’option (notre newsletter du 11 décembre dernier), le point de départ de l’activité locative soumise à TVA peut également générer des difficultés si le sujet n’est pas anticipé dès le début du projet !