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Le 30 avril 2020

Peut-on investir dans l’immobilier sans en subir la fiscalité défavorable, notamment l’IFI ?

 

Dans cette période bien étrange, certaines problématiques « d’avant » risquent d’être toujours là « après »… L’une d’elle est l’IFI pour lequel la date de dépôt des déclarations approche, confinement ou pas.

Si l’impact de la crise du coronavirus sur l’immobilier est encore incertain, celui sur les placements financiers s’est déjà fait largement sentir, ce qui pourrait inciter certains investisseurs à favoriser l’allocation immobilière dans leurs placements. Se pose alors la question de l’IFI.

L’objectif est ici de brosser rapidement les cas dans lesquels un investissement bien qu’étant largement immobilier sur le plan économique, peut se révéler exclu du champ de l’IFI, ce qui améliorera sérieusement sa performance financière. A noter que des considérations similaires (sans être identiques) peuvent trouver à s’appliquer pour d’autres régimes fiscaux défavorables à l’immobilier ; notamment :

– le régime Dutreil qui permet une réduction de 75% de l’assiette imposable en matière de donation/succession qui ne s’applique pas à l’immobilier mais aux seules activités commerciales et assimilées, ou

– le remploi dans le cadre des apports-cessions (article 150 0-B ter du CGI) qui soumet le report d’imposition à un réinvestissement dans une activité commerciale.

Ces deux régimes prévoient également une multitude d’autres conditions d’application que nous n’envisagerons pas ici. En effet, l’idée est de voir dans quel cas un investissement largement immobilier peut être exclu de l’assiette de l’IFI et le cas échéant, éligible à ces dispositifs.

Quels sont les cas d’exonération utiles pour l’IFI ?

En application de l’article 965 du Code général des impôts (CGI), « les biens ou droits immobiliers … affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société ou de l’organisme qui les détient » ne sont pas soumis à l’IFI. Cette exclusion peut également s’appliquer dans certains cas lorsque l’activité commerciale ou assimilée (ci-après l’ « Activité Commerciale ») est exercée par une société du même groupe que la société propriétaire.

Selon ce même article, les investisseurs détenant moins de 10% dans une société dont l’activité est commerciale sont exonérés sans avoir à rechercher si cette société détient des biens immobiliers éventuellement imposables (par exemple, s’ils ne sont pas affectés à l’Activité Commerciale de la société propriétaire).

L’article 972 bis du CGI quant à lui exclut du champ de l’IFI les parts de fonds de placement si deux conditions sont réunies :

– L’investisseur doit détenir moins de 10% des parts du fonds,

– Le ratio de biens immobiliers imposables détenus par le fonds (directement ou indirectement) doit être inférieur à 20% par rapport à son total d’actifs.

Pour mémoire, les détentions de sociétés foncières cotées inférieures à 5% sont également exonérées d’IFI.

Quelques précisions

La notion d’Activité Commerciale est précisée par les textes et l’Administration. Tout d’abord, il s’agit des activités visées par les articles 34 et 35 du CGI, ce qui englobe toutes les activités commerciales courantes ainsi que les activités de marchands de biens et de promotion, précision bienvenue car pour d’autres régimes fiscaux, ce n’est pas toujours le cas ; parfois la promotion est considérée comme une activité civile (construction-vente) et n’est pas qualifiée fiscalement de commerciale.

En revanche, l’article 966 du CGI exclut les activités de gestion pour compte propre comme la location. L’Administration a par ailleurs précisé que par location, il convenait également de prendre en compte la location meublée ou équipée.

Concernant les fonds d’investissement, la règle susvisée peut avoir un champ d’application plus vaste que ce que l’on pourrait intuitivement supposer en raison du mode de calcul du ratio immobilier. En effet, il peut arriver que des fonds assez investis en immobilier soient en deçà du ratio de 20% déterminé pour le calcul de l’IFI. Cette information est normalement délivrée par le gestionnaire du fonds.

Quelles possibilités ?

Globalement, les actifs immobiliers détenus indirectement pouvant échapper à l’IFI sont les actifs utilisés pour une Activité Commerciale exercée par la société propriétaire, voire selon la structuration une société du même groupe. Cela comprend deux principales typologies d’actifs :

– Les immeubles utilisés pour une Activité Commerciale dans laquelle la valeur ajoutée immobilière est très importante, il peut s’agir de coworking ou de parahôtellerie ; ces deux activités étant à distinguer des activités de location équipée ou meublée. En effet, sur le plan fiscal, pour que l’actif soit exclu du champ de l’IFI, il faudra que l’activité soit commerciale et ne puisse être qualifiée d’activité de gestion d’un patrimoine immobilier. En d’autres termes, il faudra qu’en sus de fournir les meubles ou l’équipement, le propriétaire fournisse des services de façon suffisante pour déqualifier l’activité de location et basculer dans la prestation de services d’hébergement (de personnes physiques ou d’entreprises). De même, les contrats avec les occupants ne pourront être des baux même équipés/meublés mais des contrats de prestations d’hébergement. Au-delà des mots, cela implique des relations avec l’occupant significativement différentes de celles qui pourraient exister avec un locataire, par exemple en termes de durée, de responsabilité…

– Les actifs immobiliers en stock détenus par une société dont l’immobilier est le métier, à savoir un marchand de biens ou un promoteur. Dans cette hypothèse, il peut exister un doute sur le fait que ces actifs immobiliers constituant le stock de la société propriétaire soient bien affectés au sens fiscal (certains dispositifs réservant cette notion aux actifs immobilisés et l’Administration n’ayant rien précisé pour l’IFI), cependant une telle approche semble contraire au bon sens et certains éléments de la doctrine vont dans un sens inverse. Ce pourquoi, les praticiens dans leur ensemble considèrent généralement ces actifs éligibles à l’exclusion.

D’ailleurs, pour cette deuxième typologie d’actifs, une seconde exclusion peut s’appliquer si l’investisseur détient moins de 10% du capital de la société (ou du fonds) ayant une activité marchand ou promotion puisque dans ce cas, il n’y a pas lieu de s’intéresser à l’affectation des actifs immobiliers sous-jacents, l’exonération applicable étant celle visant les participations inférieures à 10% dans une société ayant une Activité Commerciale.

Comme on peut le constater, il existe des possibilités pour investir dans des sociétés ou des fonds d’investissement dont la valeur est principalement immobilière sans devoir supporter l’IFI, cependant les nécessités en termes d’activité auront nécessairement un effet, plus ou moins important sur le risque économique (particulièrement d’actualité !), et c’est également à prendre en compte.

Quelles précautions ?

Si ces possibilités existent, il convient cependant d’être vigilant. Le risque principal est que l’activité ne soit pas clairement commerciale. Quelques zones de risques :

– Délai pendant lequel le bien reste en stock. Si le stock d’une société marchand de biens a une rotation lente alors même que les immeubles sont loués, le risque est que l’Administration considère que l’activité réelle de la société n’est pas celle d’achat – revente d’immeubles mais leur gestion patrimoniale, activité imposable à l’IFI.

– Le nombre d’immeubles en stock. Il a déjà été jugé que l’activité de marchand de biens supposait une notion d’habitude qui nécessite l’achat et la revente de plusieurs biens, l’acquisition d’un immeuble suivi de sa revente pouvant ne pas être considérée comme commerciale. Si l’immeuble est revendu par lots, la situation peut être différente, mais il convient d’être vigilant.

– Les activités de location avec services. Ces activités sont assimilées à une Activité Commerciale et non à de la location sous réserve que les services soient réels et pas seulement théoriques ou proposés d’une façon qui les rend très peu attractifs pour les utilisateurs.

Comme on le voit, il s’agit principalement d’éléments de fait sur lequel il faudra être particulièrement vigilant, et ceci encore plus en cas d’investissement indirect où l’investisseur (qui est le redevable éventuel de l’IFI) n’a pas la maitrise des activités de la société dans laquelle il investit.

Et les autres impôts (Dutreil, apport-cession) ?

Pour ces impôts, les problématiques concernant la notion d’immeuble affecté à une Activité Commerciale sont similaires. Si une société détient un important patrimoine immobilier mais que celui-ci est utilisé pour une Activité Commerciale telle que celles évoquées ci-avant (stock : marchand de biens ou promoteur, ou prestation de services d’hébergement pour des personnes physiques ou des entreprises), ces sociétés pourront généralement être éligibles aux dispositifs fiscaux tels que le Dutreil ou le remploi dans l’apport-cession, toutes autres conditions remplies par ailleurs.

Ceci étant, d’une part, il faut veiller aux autres conditions fixées par ces dispositifs (qui ne sont pas les mêmes). D’autre part, les enjeux sont sans commune mesure : si pour l’IFI, le coût d’une requalification de l’investissement en de l’investissement immobilier imposable se limite à 1,5% de sa valeur (par an, tout de même), pour le Dutreil ou le remploi (apport-cession), les montants peuvent être très importants, autant dire que le contribuable n’a pas le droit à l’erreur !

En définitive, si ce n’est pas faire un mauvais procès que de considérer que l’immobilier n’est pas une catégorie d’actifs aimée par Bercy ces derniers temps, cela ne concerne pas tout l’immobilier : il existe des possibilités d’investir dans des activités commerciales à fort sous-jacent immobilier, non traitées comme de l’immobilier par le fisc (ce qui est généralement un avantage !).

Pierre Appremont, Paméla Le Jeune & Samuel Drouin