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Le 21 mars 2019

Taxe sur les bureaux en Île-de-France, l’impôt à la limite de la cohérence, ou comment soumettre à la taxe un terrain non bâti !

L’ère du virtuel a commencé en fiscalité, la preuve en est faite par cet arrêt où le juge considère qu’un immeuble peut simultanément être un terrain non bâti et une surface de bureaux de 650 m².

 

Rappel :

la taxe sur les bureaux en Île-de-France (« tabif ») est due annuellement sur toutes les surfaces de bureaux (mais aussi de commerces et de stockage) situées dans la région IDF sur la base d’un taux forfaitaire au m2, dégressif suivant la situation du bien (la zone la plus coûteuse étant Paris et les communes limitrophes).

Pour un immeuble de bureaux situé à Paris de 1.000 m2, le coût annuel est de 19.310 € pour 2019.

Cette taxe peut être refacturée au locataire si le bail le prévoit ; en cas de locaux vacants, elle constitue une charge définitive pour le propriétaire.

 

→ La question soulevée par la décision exposée est le caractère imposable ou non à la tabif de locaux faisant l’objet de travaux importants.

On sait que des locaux vacants demeurent imposables. Mais qu’en est-il lorsque les bureaux font l’objet de travaux les rendant inutilisables ? voire conduisant à la livraison d’un immeuble neuf au regard de la TVA/taxe de publicité foncière ou permettant la qualification de l’immeuble de terrain non bâti pour la taxe foncière durant la période de travaux ?

Peu de décisions existent sur cette question dont l’enjeu financier n’est pas négligeable, d’où l’intérêt de cet arrêt, particulièrement défavorable au contribuable.

Les faits :

Un immeuble de bureaux fait l’objet d’une opération de restructuration visant à le transformer en hôtel. Ces travaux comprennent notamment un curage de l’immeuble. Au regard de la taxe foncière, l’administration a semble-t-il admis la qualification de terrain non bâti de l’immeuble pendant la durée des travaux.

Le propriétaire a considéré que sur la durée des travaux, l’immeuble n’était plus dans le champ de la Tabif qui vise, rappelons-le « les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage … » (article 231 ter du Code général des impôts).

L’administration fiscale a soumis l’immeuble à la Tabif sur la période de travaux sur la base des déclarations déposées par le propriétaire avant lesdits travaux. Le contribuable a contesté ces impositions et a perdu devant le tribunal administratif.

 

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris :

Cet arrêt, du 31 janvier 2019, est également favorable à l’administration fiscale, les juges considérant que la Tabif est due pendant les travaux nonobstant :

–  la réalité des travaux qui n’est pas vraiment contestée (sauf éléments de fait qui n’apparaîtraient pas à lecture de la décision), la société ayant procédé à des constats d’huissiers.

–  le fait que l’immeuble était totalement inutilisable pendant les travaux, ce qui n’est pas également vraiment contesté,

  • L’assimilation, au regard de la taxe foncière, de l’immeuble durant la période de travaux à un terrain non bâti, ce qui suppose selon la jurisprudence administrative que l’immeuble fasse l’objet de travaux affectant le gros œuvre le rendant dans son ensemble impropre à toute utilisation (Conseil d’Etat du 16 février 2015 n° 369862, SCI La Haie de Roses).

Au-delà d’une certaine incohérence, à savoir, considérer différemment l’état physique d’un immeuble suivant l’impôt concerné (taxe foncière ou tabif), la décision est difficile à interpréter tant le juge s’il mentionne les éléments qu’ils considèrent comme inopérants, est peu prolixe sur ce qui fonde l’imposition.

→ Il semble que l’élément déterminant soit qu’il n’ait pas été démontré que « les travaux entrepris faisaient définitivement obstacle à la poursuite de l’exploitation de l’immeuble au cours des années litigieuses ».

Mais que veut dire le juge par cette formule ?

Sur l’état de l’immeuble pendant les travaux, il ne semble pas exister beaucoup de doute et donc l’immeuble semble bien inexploitable (à tout le moins en bureaux) pendant les travaux.

Est-ce l’usage du terme définitivement qui doit être retenu en ce que tant que les travaux n’ont pas abouti à un nouvel immeuble hors du champ de la taxe de par sa destination (ou soumis à un tarif diffèrent comme du commerce par exemple), il reste soumis à la Tabif sur la base des surfaces précédemment taxables ?

Cela semble l’interprétation retenue par le juge, elle nous paraît pour le moins discutable puisqu’elle aboutit à taxer un immeuble ne répondant plus à la définition des surfaces taxables. Se référer à la réalité physique du bien serait vraisemblablement préférable et plus en ligne avec le texte légal.

Cela permettrait en outre une cohérence avec les autres impôts, un rêve sans doute.

L’histoire n’est pas finie, un pourvoi devant le Conseil d’Etat devrait être probablement déposé contre cet arrêt compte tenu de sa motivation ; en tout état de cause d’autres contentieux sont en cours sur le même sujet.

A suivre, donc…