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Le 4 juillet 2023

TVA supportée par les marchands de biens, … le bout du tunnel !

Par Pierre Appremont, avocat associé & Samuel Drouin, counsel

Par une réponse ministérielle Louwagie du 27 juin dernier, l’Administration revient partiellement sur la jurisprudence Lips qu’elle avait obtenue devant le Conseil d’Etat et assouplit sa position.

En synthèse, les professionnels acquérant des immeubles professionnels anciens grevés de TVA pour les revendre (et les inscrivant donc en stock) pourront à nouveau déduire cette TVA sans attendre la revente.

Cependant pour ce faire l’immeuble devra être conservé, plus d’un an, avec une activité de location soumise à TVA, avant que l’acquéreur puisse demander le remboursement de la TVA ayant grevé l’acquisition (qu’il s’agisse d’une TVA sur le prix ou d’une TVA régularisée par le vendeur).

En prime, soit la revente sera soumise à TVA, soit et toujours sous réserve de respecter le délai d’un an de conservation, le professionnel marchand de biens devra régulariser la TVA déduite au titre de l’acquisition de l’immeuble (et sur les travaux, cf. ci-après) mais pourra transmettre une attestation à son acquéreur, qui pourra en opérer la déduction et donc la lui reverser.

Donc dans tous les cas, la TVA en cause ne sera pas un coût définitif. 
En bref et sans refaire l’histoire

Jusqu’en 2014, l’Administration acceptait sans difficulté qu’un marchand de biens, acquérant un immeuble professionnel en vue de le revendre mais en le louant en TVA pendant la période de détention, déduise et obtienne le remboursement de la TVA ayant grevé son acquisition. En 2014, elle change radicalement de position et après avoir remboursé la TVA d’acquisition à un marchand de biens, lui demande de la restituer. Le motif invoqué est que l’immeuble étant principalement dédié à une activité de revente, soumise à la TVA uniquement sur option lors de la revente, la TVA d’amont ne peut être déductible que lors de cette revente, si à cette occasion, l’option pour la TVA est exercée ; peu importe que l’immeuble soit loué en TVA pendant la période de détention, les deux activités étant considérées comme totalement « étanches » pour les droits à déduction.

Fin 2020, et de façon tout de même un peu surprenante, notamment au regard du principe de neutralité de la TVA, le Conseil d’Etat valide cette approche (arrêt Lips, 27 novembre 2020).

Les marchands de biens doivent donc porter la TVA pendant toute la durée de l’opération. 

Après un temps de réflexion, l’Administration par la réponse ministérielle précitée revient sur sa position et valide la solution subsidiaire défendue dans l’affaire Lips, à savoir que le mécanisme d’assimilation d’un stock à une immobilisation, si le marchand de biens le conserve plus d’un an pour une activité (donc accessoire) de location en TVA (que le bien soit loué ou vacant mais avec une recherche de locataire), peut fonctionner. L’Administration précise que dans ce cas, le marchand de biens pourra déduire et obtenir le remboursement de la TVA d’acquisition qu’il s’agisse d’une TVA régularisée par le vendeur qui lui a été refacturée en sus du prix ou d’une TVA sur le prix (ou la marge) du fait de l’option exercée par le vendeur.

En pratique, cela veut dire que le marchand de biens devra quand même organiser le portage de cette TVA mais que celui-ci ne devrait pas excéder 18 mois (les 12 mois de latence pour permettre l’assimilation à une immobilisation et le délai de traitement de la demande de remboursement).

En revanche, si l’immeuble est revendu avant ce délai de 12 mois, le marchand n’aura d’autre choix que d’opter pour la TVA sur la revente pour valider la déduction de la TVA d’amont qui ne pourra être que la TVA ayant grevé le prix d’acquisition mais pas la TVA régularisée par le vendeur qui est dans ce cas définitivement perdue.

Ceci étant, l’Administration ne va pas au bout du raisonnement et précise que cette règle ne vaut pas pour les frais liés à la cession, ceux-ci englobant les travaux réalisés sur l’immeuble (qui sont pourtant aussi nécessaires pour sa location), mais il y a du mieux car dans l’affaire Lips, l’Administration avait justifié sa position en considérant que la TVA d’acquisition entrait également dans la définition de celle liée aux frais de cession alors qu’aujourd’hui la réponse ministérielle semble claire sur ce point.

Enfin et c’est une bonne nouvelle, l’Administration précise qu’en cas de revente non soumise à TVA et toujours si l’immeuble a été affecté à la location par le marchand de biens pendant au moins un an, celui-ci qui devra régulariser la TVA d’amont, pourra la refacturer à son sous-acquéreur qui pourra lui-même la déduire s’il immobilise le bien pour l’affecter à une activité soumise à la TVA (ou le conserve en stock pendant au moins 1 an).
Exemple 

La société A, dont l’activité est d’acheter pour les revendre des biens immobiliers, acquiert un immeuble de bureaux ancien (achevé depuis plus de 5 ans) loué en vue de renégocier les baux et de réaliser des travaux, puis de le revendre à un investisseur avec une marge.


Acquisition / Détention :

    • TVA d’acquisition (4 M€) : devient déductible et peut faire l’objet d’une demande de remboursement à compter du 1er juillet 2024, remboursement effectif le 1er novembre 2024.
    • TVA sur travaux (800 K€) : non déductible lors des travaux. Déductible ou refacturable à l’acquéreur lors de la revente. Portage de cette TVA de 800 K€ pendant 15 mois.

Lors de la revente :

  • Soit TVA sur la revente : 5,4 M€, l’acquéreur doit en faire le portage financier pendant environ 6 mois,
  • Soit pas de TVA sur la revente mais refacturation de la TVA afférente à l’immeuble supportée par la société A :
    • TVA d’acquisition : 4 M€ avec application du mécanisme des 20ème à compter d’une année de détention, soit 3/20ème définitivement déduits (3 années ou fraction d’années civiles), et 17/20ème refacturés à l’acquéreur (3,4 M€), ce montant ayant été inclus dans le remboursement obtenu en 2024, il doit être reversé au Trésor par la société A
    • TVA sur travaux: 800 K€, pas de régularisation/reversement.
Montant total : 4,2 M€ refacturable à l’acquéreur (et que celui-ci pourra déduire sous réserve de remplir les conditions nécessaires)

A noter, ce montant entrera dans l’assiette de la TPF et des honoraires de notaire applicables à la vente, soit un surcoût de 315 K€ (4,2 M€ x 7,50 %). Ce surcoût n’existe pas si la vente est soumise à la TVA (les régularisations sont analysées comme une charge augmentative du prix, ce qui n’est pas le cas de la TVA sur le prix ou la marge).

 

Tableau de synthèse

 

 

Nature de l’immeuble lors de l’acquisition TVA d’acquisition TVA sur travaux TVA sur revente Surcoût lié à la TVA
Immeuble neuf Déductible immédiatement Déductible immédiatement

Si immeuble toujours neuf, TVA

Si immeuble ancien, TVA sur option ou régularisation par 20ème

Si immeuble toujours neuf, TVA

Si immeuble ancien, TVA sur option ou régularisation par 20ème

Immeuble ancien et option TVA lors de la revente Déductible après un an d’affectation à la location en TVA Non déductible jusqu’à la revente, déductible lors de la revente TVA sur la revente (option du vendeur) Portage TVA sur prix acquisition (18 mois) et sur travaux jusqu’à la revente
Immeuble ancien et pas d’option TVA lors de la revente mais refacturation TVA

Déductible après un an d’affectation à la location en TVA,

Régularisation par 20ème lors de la revente, régularisation refacturable à l’acheteur

Non déductible jusqu’à la revente,

Totalement refacturable à l’acheteur lors de la revente

Pas de TVA sur revente mais acquéreur immobilise le bien pour l’affecter à une activité soumise à TVA

TVA régularisée refacturée à l’acquéreur final

Portage TVA sur prix acquisition (18 mois) et sur travaux jusqu’à la revente

TPF et frais de notaire (pour l’acheteur) sur le montant de la régularisation

Immeuble ancien sans option pour la TVA lors de la revente ou de refacturer la TVA à régulariser

Déductible après un an d’affectation à la location en TVA,

Régularisation par 20ème lors de la revente, non refacturable à l’acheteur,

TVA régularisée est un coût définitif pour le marchand de biens

Non déductible jusqu’à la revente, ni à l’occasion de la revente

Coût définitif pour le marchand de biens

Pas de TVA et vendeur n’immobilise pas le bien ou ne l’affecte pas à une activité soumise à TVA (médical, financière, école,)

Pas de refacturation de TVA régularisée possible

Toute la TVA supportée par le marchand de biens sauf 1/20ème TVA sur acquisition par année ou fraction année civile durant lesquelles affectation à activité de location en TVA